« Titus n’aimait pas Bérénice » de Nathalie Azoulai: lire Racine et survivre
Nathalie Azoulai lauréate du prix Médicis pour « Titus n’aimait pas Bérénice »préconise la lecture de Racine comme antidote au chagrin d’amour. Radical et puissant à l’image de ce roman qui ressuscite à hauteur d’homme le plus grand dramaturge français.
« Une séparation n’est pas rien« . Racine l’écrit dans sa préface à Bérénice et en fait l’éclatante démonstration dans cette pièce énigmatique et déchirante dont les vers les plus célèbres hanteront longtemps notre imaginaire « Je l’aime, je le fuis; Titus m’aime il me quitte ». Plus de quatre cent ans plus tard, Nathalie Azoulai consacre un roman à ce même thème et multiplie les références au maître du théâtre français. Son héroïne, comme celle de Racine, se nomme Bérénice, comme elle son coeur bat pour Titus, mais ce dernier la quitte lui préférant la mère de ses enfants. Ivre de douleur, l’amante délaissée va se plonger dans la lecture des pièces de Racine. Andromaque, Phèdre, Bérénice et les autres . Des héroïnes qui disent mieux que quiconque l’amour impossible. Les déchirements de l’âme. « Vous êtes empereur, seigneur, et vous pleurez ». En elles, la jeune femme reconnaît ses tourments.« Dans un mois, dans un an, comment souffrirons- nous Seigneur, que tant de mers me séparent de vous? » Puis doucement s’apaise au contact de ses vers qui lui sont comme un baume. Peu à peu, elle s’intéresse à cet homme qui sait si bien dépeindre le féminin. Pourquoi? Comment? En se jetant à corps perdu dans la vie de Racine, la jeune femme fuit la sienne et l’auteur glisse avec art de la biographie au roman.
Janséniste, courtisan, poète tragique, académicien, historiographe, bourgeois, ambitieux, Racine? Sans doute mais bien plus encore. D’ailleurs ce n’est pas de Racine que Nathalie Azoulai entend nous parler mais de Jean. L’enfant que la rigueur de Port-Royal marquera à jamais et qui peaufine en secret le maniement de cette langue à laquelle il voue une adoration sans limite: le français. Très tôt il a cette intuition que ses maîtres tentent d’étouffer « Si la langue se forme dans l’esprit, se dit-il, elle ne doit pas s’y confiner, elle doit sortir, se projeter, vibrer dans l’air ». A Paris, il fourbira ses premières armes: » chaque matin, une fois sa prière achevée, il se relève avec le même élan vers la tâche qui l’attend: prendre un bloc de langue et tailler dedans. C’est devenu une habitude, un entraînement, il versifie comme on cisèle, avec application, patience« . De Port-Royal à la cour du Roi, « Titus n’aimait pas Bérénice » retrace l’extraordinaire ascension d’un homme pétri de contradictions qui va devenir le plus grand auteur de tragédies en France. Mais pas seulement.
« Titus n’aimait pas Bérénice » raconte une histoire qui raconte une histoire qui raconte une autre histoire. Au commencement était l’histoire romaine bien sûr. Titus roi de Rome etc. Vient ensuite l’histoire imaginée par le dramaturge préféré de Louis XIV. Celle contemporaine enfin de Titus et de Bérénice, couple adultère que Nathalie Azoulai inscrit en queue de ce cortège millénaire. Un dispositif narratif qui fait la force de ce roman où petite et grande Histoire se télescopent en de multiples jeux de miroirs. « C’est singulier et c’est choral, cette voix en appelle une autre qui en appelle une autre, à l’infini ». Une certitude: celle de Nathalie Azoulai résonnera longtemps après avoir refermé son livre.
Janséniste, courtisan, poète tragique, académicien, historiographe, bourgeois, ambitieux, Racine? Sans doute mais bien plus encore. D’ailleurs ce n’est pas de Racine que Nathalie Azoulai entend nous parler mais de Jean. L’enfant que la rigueur de Port-Royal marquera à jamais et qui peaufine en secret le maniement de cette langue à laquelle il voue une adoration sans limite: le français. Très tôt il a cette intuition que ses maîtres tentent d’étouffer « Si la langue se forme dans l’esprit, se dit-il, elle ne doit pas s’y confiner, elle doit sortir, se projeter, vibrer dans l’air ». A Paris, il fourbira ses premières armes: » chaque matin, une fois sa prière achevée, il se relève avec le même élan vers la tâche qui l’attend: prendre un bloc de langue et tailler dedans. C’est devenu une habitude, un entraînement, il versifie comme on cisèle, avec application, patience« . De Port-Royal à la cour du Roi, « Titus n’aimait pas Bérénice » retrace l’extraordinaire ascension d’un homme pétri de contradictions qui va devenir le plus grand auteur de tragédies en France. Mais pas seulement.
« Titus n’aimait pas Bérénice » raconte une histoire qui raconte une histoire qui raconte une autre histoire. Au commencement était l’histoire romaine bien sûr. Titus roi de Rome etc. Vient ensuite l’histoire imaginée par le dramaturge préféré de Louis XIV. Celle contemporaine enfin de Titus et de Bérénice, couple adultère que Nathalie Azoulai inscrit en queue de ce cortège millénaire. Un dispositif narratif qui fait la force de ce roman où petite et grande Histoire se télescopent en de multiples jeux de miroirs. « C’est singulier et c’est choral, cette voix en appelle une autre qui en appelle une autre, à l’infini ». Une certitude: celle de Nathalie Azoulai résonnera longtemps après avoir refermé son livre.
Titus n’aimait pas Bérénice – Nathalie Azoulai – 320 pages – P.O.L.
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Entretien avec Nathalie Azoulai
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