« La gaieté » de Justine Lévy 📚 Au revoir Tristesse
Le roman s’intitule « La gaieté » alors que son sujet est précisément la tristesse. Ou plus exactement comment lui tordre le coup, une bonne fois pour toutes. Telle est la résolution de Louise, double littéraire de l’auteur depuis son premier livre « Le rendez vous » paru aux Editions Plon en 1995.
Entre un papa aussi présent dans les médias qu’absent à la maison et une maman mannequin qui raffole « d’une drôle de poudre blanchâtre« , bonjour tristesse! D’autant que contrairement à ce que prétend le titre d’un autre de ses romans, Justine Lévy n’est pas une « Mauvaise fille« . Loin d’elle, l’idée d’écrire un livre règlement de comptes avec papa-maman- qui-ont-fait-ce-qu’ils-pouvaient. Papa a beau être à l’autre bout du monde, par moins 5 degrés en chemise blanche, au moindre coup de fil de Louise, il saute dans le premier avion et se précipite à son chevet. Maman, certes, est borderline mais tellement plus drôle et attachante que les belles mères revêches qui ont lui ont succédé. Et surtout tellement plus belle. Louise vit donc comme elle peut son enfance pas comme les autres s’évertuant à « ne surtout pas embêter papa, à aucun prix, jamais, c’était mon idée fixe, mon credo, ma religion » et à toujours veiller sur maman incapable de garder un travail, de s’extraire de son lit, d’offrir à sa fille une image rassurante. Soucis de riches diront les mauvaises langues auxquelles l’auteur doit commencer à être habitué : « Je sais ce que les gens pensent. Les gens pensent que je suis née dans les beaux quartiers, ceux des bons lycées, et puis que je n’ai jamais manqué de rien puisque c’est ça l’essentiel n’est ce pas? ».
Justine Lévy c’est avant tout une voix, sincère, décalée, émouvante, qui s’ affermit de livre en livre. Ses tribulations d’une jeune maman prête à tout pour ses enfants font mentir l’adage selon lequel les bons sentiments ne font pas la bonne littérature. Aucune mièvrerie dans le quotidien de cette mère de famille « autocentrée, bipolaire, tripolaire, quadripolaire, irascible et irresponsable » qui hésite entre couches lavables ou jetables et consulte Doctissimo au moindre bobo, mais un humour et une auto dérision irrésistibles. On croyait connaître Louise, ses angoisses, son addiction au Prozac et autres psychotropes, avec « La gaieté » on la découvre sous un jour nouveau, véritable guerrière bien décidée à venir à bout de cette mélancolie qui se transmet de génération en génération . « Une maman malheureuse vous refile toujours un bout de son malheur, sans le faire exprès et sans le savoir, c’est comme ça, le chagrin ne disparaît pas quand il s’en va, il passe d’une personne à l’autre, comme un rhume, un bâillement, une toux ou un fou rire« . L’avantage d’être écrivain c’est de pouvoir en faire un livre. Celui de Justine Lévy ne cache ni ses fragilités ni son combat quotidien pour contrer d’éventuelles « rechutes » tandis que sa plume, elle, n’a jamais été aussi drôle et énergique. Paradoxe de l’écrivain!
Justine Lévy – La Gaieté – Stock – 216 pages
Les lectures d’Alexandra…
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