Mystérieuse, fantasque, borderline, l’héroïne de « Il faut tenter de vivre » fait partie de ces femmes auxquelles aucun homme ne résiste. Pas même l’auteur qui l’a côtoyée et lui consacre un roman nostalgique et vivifiant.

« Les personnages de ce roman n’ont pas toujours été des êtres de fiction. Il fut une époque -les années quatre-vingt, quatre-vingt dix- où ils étaient bien réels, avant que d’être transformés par le temps et la plume. » Sandrine avait alors vingt ans. Eric guère plus. Des amis lui avaient parlé d’elle et le processus de cristallisation cher à Stendhal s’était aussitôt enclenché. « Je m’étais représenté Sandrine Broussard d’une manière très subjective, sur la base de ce qu’on me racontait. A vrai dire, peu importait de savoir si j’étais près de la vérité ou non. Je faisais évoluer la jeune femme sur une orbite éloignée de Bonnie Parker, où elle gravitait comme un astre de faible brillance, et je l’imaginais de taille moyenne, blonde, mignonne, pareille à Faye Dunaway dans le film« . Quelques années plus tard, il ferait d’elle un personnage de roman et emploierait à son sujet les même mots que Swann dans « A la recherche du temps perdu » à propos d’Odette. « Elle n’était pas (son) genre« . Et pourtant.

 

JF du Nord, 28 ans, jolie, mince,
souhaite rencontrer
monsieur, 50 ans max,
pour vivre avec lui,
au soleil, nouvelle vie.

C’est par le biais de petites annonces que Sandrine Broussard va ferrer ses premières proies. Son idée? Faire miroiter  à des hommes en mal d’amour la possibilité d’une relation. Se faire envoyer un mandat postal. L’encaisser puis se volatiliser. Pas de cas de conscience. Le plaisir du jeu à l’état pur. Le romancier ne cache pas son trouble. « Sociologue, Sandrine aurait amassé une matière passionnante. Elle aurait eu de quoi ouvrir un vaste musée consacré à la solitude de l’homme, où elle aurait étiqueté les individus rencontrés, prêts à tour pour s’évader d’eux mêmes. » Au fil de son enquête sur cette Bonnie à la petite semaine, le narrateur brosse l’émouvant portrait d’une femme dont la liberté apparente cache de profondes fêlures. Comment aimer quand on ne l’a soi même jamais été? Tel est le drame de cette belle inconsciente qui cherchera la réponse à son mal être dans la fuite perpétuelle.
 
Qui était Sandrine Broussard? Un jour blonde, un jour brune, la jeune femme se plaît à endosser différentes identités, à la manière du romancier qui ne cache pas sa fascination pour celle qui incarne dans la vie son « exact contraire » mais semble rejoindre ses plus secrètes aspirations. Vivre en marge de la société. Endosser milles et une vie. Echapper au temps. Il est une question qui court au fil de chacun des livres d’Eric Faye: faut il abandonner plusieurs « moi » pour parvenir à vivre? Son adorable menteuse y répond avec fantaisie au fil de ces pages qui lui rendent un bel hommage. Si les romans d’Eric Faye se parent souvent des teintes de la nostalgie, ce dernier se double en prime d’une énergie revigorante. »Il faut (bien)tenter de vivre » n’est ce pas?
 

Il faut tenter de vivre – Eric Faye – Stock – 180 pages
lire un extrait.
Entretien avec Eric Faye.

Les lectures d’Alexandra
La critique Littéraire desmotsdeminuit.fr

La page facebook de Des Mots de Minuit. Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.

@desmotsdeminuit