Edgar Morin et Eric Sapin: le penseur de la complexité et le militant #505
A l’intelligence de la complexité (conçue comme un maillage et non comme une difficulté) de l’un -une jeunesse vigilante de 93 ans- fait écho, chez l’autre, quadragénaire, un militantisme exigeant, inventif et embarqué. Métis, radical, réjouissant: « Des mots de minuit »
Des mots de minuit, L’Émission
#505 du 26 juin 2014
– Éric Sapin est toujours objecteur de conscience et « commandant » de la péniche « Alternat ». Construite dans les années 30, pour transporter des céréales de la pierre ou du gravier, elle devient au creux des années 80, sur la Seine et le domaine public fluvial, le lieu flottant d’une utopie: plutôt la paix que la guerre froide et ses fusées à courte ou moyenne portée; la démocratie que la république bananière; l’associatif que le chacun pour soi; le bénévolat que l’enrôlement. A bord de ce centre socio-cul, se pratiquent l’accueil social, l’insertion, la rencontre, la conférence ou la fête. On s’y veut libre, exigeant et résistant à l’air moderne du temps…
« Libre, exigeant et résistant » … Ces qualificatifs collent bien au lanceur d’alertes Edgar Morin. Sa pensée continue d’offrir une possibilité de regard sur le chaos contemporain. Sa philosophie, sa sociologie, ses engagements ont tout vu venir ou ont dénoncé les crises humaines, sociales, politiques, écologiques (on en passe!) qui font la joie mauvaise d’un monde qu’il accepte pour mieux le refuser et qu’il refuse pour mieux l’accepter. Rien de pessimiste dans cette lucidité. Il pense tout aussi radicalement que rien n’est écrit même si « nous vivons dans un vide total de la pensée et du projet qui confine au crétinisme ». Pour lui, l’improbable est souvent arrivé dans l’histoire de façon salvatrice. Son sens de l’humour peut confiner à 140 signes quand il twitte ou qu’il évoque dans un livre récent les frasques de Marguerite Duras qui l’a accueilli au sortir de la guerre et de la résistance. L’usage de cet homme est donc infini. Et pour cause: son humanisme est universel.
Il est dans l’amour, l’amitié ou ma foi dans la fraternité humaine, dans la possibilité d’avancer quelques idées pour fédérer les mouvements disparates d’un renouveau social ou pour régénérer la politique. Sans me prendre pour un messie, je me donne l’illusion d’avoir une mission. Voilà qui tonifie. Comme le goût du beau: un visage, un papillon, un coucher de soleil.
Le fait d’avoir conserver ma capacité d’émerveillement m’aide beaucoup à me révolter contre l’horreur et l’infamie. J’accepte ce monde pour le refuser et je le refuse pour l’accepter.
Edgar Morin, à l’occasion d’une conversation chez lui, au printemps 2014…
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