Marco & Paula : Carnets d’ailleurs #27 : Paula « ababouinée » …
En réaction à la chronique précédente, une amie m’écrivit : « accrochez-vous au bastingage » tant notre vie nomade lui paraissait mouvementée. Ce terme marin me fit dériver vers le mot pétole que nous usions à bord du voilier familial dès que le vent ramollissait et que nous menacions de nous encalminer.
Mais ce calme n’est qu’apparent. En fait nous serions plutôt au cœur du « Pot au Noir » et nous prévoyons de fortes perturbations, des grains blancs et quelques coup de chien, de vent, de tabac. M’en fous, ça fait belle lurette que je n’ai plus le mal de mer.
D’ailleurs, je pars demain pour une virée aux Iles Chausey, un lieu magique, mon lieu magique. Chausey… 365 îles à marée basse et 52 à marée haute ; malgré ce clin d’œil calendaire, son paysage ne se modifie pas au gré des saisons mais au gré d’un marnage exceptionnel (jusqu’à 14 mètres lors des grandes marées). Chausey… ses pluies, son crachin, ses vents, ses courants qui font danser les drisses, ses couchers de soleil qui font danser les yeux, ses bouquets, ses homards qui font danser le ventre. Chausey… son « Sound » dont je connais les mouillages, les bons coins, les pièges, les odeurs, les bruits. Quelques secondes suffisent pour m’y transporter, alors que je ne le fréquente quasi plus. Notre voilier étant basé à Granville, les Iles Chausey furent notre escale familiale, incontournable, même à l’horizon, les jours où nous partions fleurter** avec les rives bretonnes. Nous naviguions fréquemment, souvent les week-ends et toujours pendant les vacances à l’exception d’une semaine à la montagne : il fallait bien que le bateau hiverne, surtout dans cette région. Mon nomadisme pourrait bien être né de ces centaines de navigations, d’arrivées et de départs, magiques pour l’enfant, agaçantes pour l’adolescente, savoureuses pour moi aujourd’hui.
Nous ne prendrons la mer que 24h, le temps d’un hommage filial et final, nos parents maintenant, tous deux décédés.
Comme j’attends la renverse et que mes voiles faseyent, j’ai décidé de trier, classer les papiers. Plongée par nécessité dans les affaires familiales, je refuse de me la jouer Tuttle / De Niro – le plombier dissident de « Brazil », englouti et avalé par des papiers, formulaires, brochures. A ma gauche cinq cartons de dossiers, devant moi le guide du tri administratif, à ma droite un grand carton-poubelle. Parfois, je vais très vite, parfois je ralentis, m’arrête sur des documents, frêles ou rudes témoignages d’épisodes familiaux vécus dans la joie et la mauvaise humeur. Experte en déménagements, je classe et jette sans céder aux madeleines. M’en fous, je préfère le chocolat.
Il vient de pleuvoir, le même bonheur que la première pluie clôturant la saison sèche. Bon sang, je suis vraiment en manque d’Afrique.
* Un internaute écrit : « ababouiner est à l’origine une technique de piégeage et capture des « singes » par la gournmandise! En plaçant une nourriture dans un vase à col assez étroit pour que la main du singe passe à vide mais une fois fermée avec l’objet du vol ne puisse plus ressortir, les babouins ne savent pas se dégager du piège car ils pensent pas à lâcher la prise!
** Que les anglicistes me pardonnent ou me conspuent, je trouve bien plus joli de fleurter. N’est-ce pas conter fleurettes ?
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