Marco & Paula : Carnets d’ailleurs #25 : Mon exotique « american way of life »

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Je connais bien l’Amérique. Je baigne dans la culture américaine. Parfois même, je m’y vautre et pas toujours en VO car je chante bien plus facilement « … du pont de la Garonne » que « … off the Tallahatchie Bridge »*, même si je chante l’un et l’autre tout aussi faux.

J’ai vu des centaines de films américains, lu des centaines de livres et des centaines d’articles américains. J’ai entendu des centaines de chansons, tubes, morceaux musicaux américains. J’ai écouté des hommes politiques américains m’expliquer comment faire ; des militaires américains, qui combattre ; des économistes américains, comment augmenter la pauvreté sous prétexte de la réduire. Et malgré tout, l’American way of life me reste bien plus exotique que ce je voudrais en faire accroire.
Prenons le « big hug » : cette gestuelle de bienvenue réservée aux amis proches. Vous vous enlacez, poitrine contre poitrine et balancez de concert, votre tête à droite puis à gauche, ou l’inverse, en vous effleurant à peine de la joue ou de la tempe. Tout le contraire de nos bises de salutation à la française au cours de laquelle on se bise la joue mais les corps restent très en retrait. Comme je mélange tout, mon « hug » devient très, très chaud, ce qui peut prêter à confusion. Sous d’autres latitudes, c’est la poignée de main qui prête à confusion, surtout avec certains religieux convaincus que toucher une femme, même du bout des doigts, les expédiera directement en enfer. J’adore que ma poignée de main leur offre un aller sans retour !
Ordre et désordre : Les Américains sont très regardants sur la taille de leur gazon, ou plutôt de votre gazon. Nous avons reçu une injonction de la ville, de faire tondre régulièrement notre modeste pelouse sur le devant de la maison, sous peine d’amende. Quant à la voisine, constatant que des pissenlits y croissaient paisiblement, elle nous a priés instamment de les occire par peur de contagion de son précieux carré. Et pas question de bétonner ou de créer un jardin zen plein de petits cailloux; dans notre rue, les abords des maisons sont règlementés pour être en harmonie.
Par contre, l’esthétisme n’est pas de mise pour les fils électriques, à faire rougir la fille d’électricien que je suis. Mais je reconnais que l’efficacité américaine fonctionne puisque dans les rues, les arbres  respectent ces lignes hasardeuses en écartant obligeamment leurs branches.
Un dimanche à Washington DC

 

« Un dimanche après-midi à la Grande Jatte » (1884/1886). Georges Seurat.

Dans Washington DC ou dans les rues de notre banlieue bobo, il fait bon marcher car une « coulée verte » et le Mall permettent de vraies balades sur des sentiers où se croisent coureurs, pédaleurs, rêveurs, chiens promenant leur bipède, familles plus ou moins braillardes. C’est gai ! On se croirait parfois dans le tableau de Seurat  » Un dimanche après-midi dans l’ile de la Grande Jatte »  qui a inspiré à Stephen Sondheim la comédie musicale « Sunday in the Park with George ».
 
L’américain aime la fraîcheur et dès avril, dans les maisons de Washington, la climatisation fonctionne quasi en continu. De fait, on ne voit pas de fenêtres grandes ouvertes avec les draps qui s’aèrent, ni d’ailleurs de linge étendu sur la terrasse. On dirait (pas) le Sud.
Vivre portes et fenêtres closes permet au moins de s’abstraire du bruit. Je suis parfois surprise par toutes ces maisons, plutôt bourgeoises, construites le long de routes à 2×3 voies, très passantes, très bruyantes. Je ne pourrais pas y vivre. Dans le quartier tranquille des amis chez qui nous résidions, j’ai constaté une autre nuisance sonore le dimanche: les chants de messe qui débordent allègrement des enceintes consacrées. Je me croyais à Brazzaville: ici comme là-bas, certains l’aiment sourd.
 
Dans un pays qui légifère finalement beaucoup plus que ce que j’imaginais, j’ai découvert quelques sujets de sourires ou de grimaces. Ainsi, dans le Maryland, si j’ai bien tout compris: il faut maintenant dans les restaurants au moins deux toilettes pour les femmes. Quant un établissement n’a que deux cabines, l’une est entièrement dévolue aux femmes et l’autre devient mixte. C’est amusant de voir ces messieurs découvrant ce que signifie faire la queue aux toilettes et combien on perd vite de sa prestance à poireauter devant une porte. Nettement plus agaçant, j’ai vécu cette situation absurde dans un restaurant de devoir choisir entre boire et fumer. Je m’étais mise en bordure de terrasse pour savourer une bière-cigarette. Las ! La serveuse m’a avertie que je ne pouvais fumer en terrasse. Qu’à cela ne tienne, agacée, j’enjambe la clôture pour être dans la rue. « Malheureuse ! me dit-elle, il est interdit de boire de l’alcool dans la rue ». Très agacée, je me suis installée sur le parapet, un bras dans la terrasse, un bras dans la rue… me sentant un peu ridicule et mon plaisir vraiment gâché. Mais je sais maintenant pourquoi, dans les films, les gens se baladent avec des sacs en papier, c’est pour y cacher leur bouteille.

 
* Marie-jeanne de Joe Dassin –plus tempérée que la version de Ray Charles de Ode to Billie Joe.  

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