Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #94 : de la lagune à la lumière…
« Bonne année l’argent! » comme disent les Ivoiriens… en attendant que tu leur glisses une pièce ou peut-être, dans des cercles plus fermés, une grosse liasse.
Une entreprise portugaise vient décorer chaque année la ville avec une efficacité remarquable : pas une ampoule n’est grillée, un ange déchu ou une étoile morte. Le pays « va bien » et il faut le montrer, n’en déplaise aux grincheux qui ne manquent pas de relever que cette débauche de lumière n’atteint pas les quartiers périphériques et populaires plus souvent privés d’électricité qu’à leur tour. Pour une fois, j’ai décidé de ne pas être grincheuse.
C’est bien la première fois avec Marco que nous voyons une ville d’Afrique aussi rayonnante. La fête de Noël m’indiffère autant que celle du Mouloud ou la naissance du Père Fouettard et je choisis habituellement de faire l’ermite pendant cette période. Cette année, je suis sortie avec la famille venue en visite et je n’ai pas boudé mon plaisir. Le soir du 31, nous sommes même sortis voir le feu d’artifice. Il est « le plus gros d’Afrique », avait-on annoncé et il a duré une demi-heure, ce qui n’est pas petit. Faute de savoir exactement d’où il serait tiré, nous nous sommes mal positionnés et n’avons pu en voir que les gerbes les plus élevées, mais j’ai aimé regarder la foule massée sur les berges de la lagune: jeunes gens et familles étaient au rendez-vous en grand nombre; les vendeuses d’eau (je n’ai vu que des femmes) et les marchands de breloques « made in China » étaient à pied d’œuvre, les militaires aussi. Je n’ai pas vu de Blancs probablement à la terrasse du Pullman, aux premières loges.
Le spectacle a commencé bien après la messe de minuit de la cathédrale Saint-Paul (ici, tout est prétexte à une messe même un fait aussi païen qu’un changement d’année), de façon à permettre aux spectateurs d’avoir le temps de traverser le quartier pour gagner les sites stratégiques. L’atmosphère était joyeuse quoiqu’un peu fatiguée: le trajet de retour à la maison allait être épuisant, les transports pris d’assaut et les plus inquiets (ou prévoyants) sont partis avant la fin du spectacle. Les fêtards étaient, eux, déjà dans les boîtes de nuit du sud de la ville ou dans les maquis des quartiers périphériques.
Ici comme ailleurs, les fêtes sont un gros business et les magasins rivalisent d’annonces alléchantes, tant pour la sauce machin qui transformera votre plat de spaghettis en plat de fête que pour les matelas trucs qui vous assureront une année 2017 sous le signe du repos – slogan guère compatible avec l’Emergence ; mais que fait la censure ?
L’approche des festivités m’avait peut-être fait tourner la tête, et j’ai découvert le matin du 1er janvier que mon visa de touriste expirait le 6. J’avais complètement négligé de m’en occuper, persuadée que j’étais d’obtenir un poste bien avant son expiration, mais comme mes candidatures sont restées lettres mortes jusqu’à ce jour, j’ai dû tout soudain m’activer pour ne pas devenir expulsable.
La procédure est relativement simple mais requiert un minimum d’énergie car les documents à fournir ne sont pas disponibles dans les mêmes administrations et parfois, ils manquent, ou parfois le responsable « s’est levé », entendez « est sorti faire un tour, donc revenez demain ». Partie de l’Office National de l’Identité, où j’ai obtenu la liste des documents à fournir et payé les 6 000 FCFA (9 euros) de taxes – quelques soient mes questions, on m’enjoignait d’aller avant toute chose payer cette taxe – j’ai visité le commissariat pour le certificat de résidence, puis la mairie pour légaliser l’attestation de prise en charge par mon époux (document terrible pour ma fierté de femme indépendante…) Ce matin, j’ai enfin pu déposer le dossier complet et obtenir un récépissé me déclarant « enrôlée » et me fixant rendez-vous dans un mois pour récupérer mon titre de séjour.
Evoquer les festivités en cours m’a été utile dans ma pérégrination bureaucratique. Elles ont alimenté le bavardage social, celui qui facilite ou accélère l’obtention des documents requis (un autre moyen qui m’a été suggéré est de payer les timbres le double de leur prix courant ce que j’ai tranquillement refusé).
J’ai été agréablement surprise de la facilité avec laquelle j’ai effectué toutes ces démarches: information disponible sur des sites Internet officiels et professionnalisme tranquille de l’interviewer final. J’avais encore en tête les tracasseries administratives congolaises. Je comprends également le principe de réciprocité (« je traite tes concitoyens comme tu traites les miens ») et l’admets parfaitement. Aussi je pouvais être inquiète, connaissant le calvaire des Ivoiriens pour obtenir une carte de séjour en France.
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