Un ami en visite motive Paula pour explorer cette Côte d’Ivoire du Nord qu’elle ne connaît toujours pas. Le voyage se fera en autocar.
Des amis nous affirment que c’est jouable. D’autres sont nettement plus dubitatifs; je sens qu’ils préfèrent être à leur place qu’à la nôtre.
Trouver lignes de bus, horaires, gare de départ et prix du billet requiert une navigation laborieuse et beaucoup d’appels dont la moitié n’aboutissent que sur un message désolé de nous annoncer que la ligne n’est plus / n’est pas encore / ne sera jamais disponible. J’avais entendu Marco me parler, enthousiaste, d’une application permettant de réserver sa place de bus en ligne, créé par un génie « des trucs qui vous facilitent la vie » mais six mois ont passé depuis et lorsque je trouve enfin le lien, il est caduque.
Nous finissons par joindre une personne qui me renseigne clairement. Trois départs sont prévus en matinée pour une arrivée estimée sept heures trente plus tard. La compagnie est la deuxième du pays (deuxième en quoi ? cela reste un mystère), ce qui nous rassure vaguement. Nous prévoyons de nous présenter longtemps à l’avance mais quelques aléas et une lenteur avérée de début de journée fait que nous nous présentons au guichet à peine trente minutes minutes avant le départ. Le bus de neuf heures est complet, il faudra prendre celui de onze heures. Mais, peut-être à cause de mon sourire? De mon âge si pas encore respectable, pour le moins respecté ? D’un désistement ? Je ne sais pas ce qui nous doit d’obtenir finalement deux places dans le bus de neuf heures. Ouf ! Nous arriverons donc avant la nuit, ce qui est plus prudent en raison des coupeurs de route qui, le soir venu, se font une cagnotte sur le dos des voyageurs, souvent brutalement, parfois fatalement.
Nos bagages sont dûment enregistrés et chargés dans la soute. On y trouve des cartons, des meubles, des sacs d’oignons. Nous assistons même au chargement épique d’une demi-douzaine de moutons dans un autre bus sans parvenir à savoir où les voyageurs mettront leurs paquets.
Nous voilà partis assez confortablement assis derrière le chauffeur, avec vue panoramique sur la route. La climatisation fonctionne une trentaine de minutes puis rend l’âme mais la vidéo, elle, fonctionne bien. Trop bien! Impossible d’échapper aux séries burkinabées et tchadiennes qui s’enchaînent sans interruption et présentent peu d’intérêt, sauf si vous avez en tête de faire de la sociologie africaine.
Le voyage durera finalement dix heures… avec quelques pauses pour « prendre ses aises », c’est à dire s’éparpiller dans des vergers pour soulager ce qui en a besoin avec ces messieurs au premier plan qui tournent le dos au bus et, de fait, obligent ces dames à s’éloigner pour s’accroupir pudiquement camouflées par une bande de leur pagne (astuce à laquelle je n’avais pas pensé mais je ne suis pas certaine d’en maîtriser la gestuelle ou l’équilibre). Une pause plus longue au bout de six heures pour grignoter ce que proposent une foultitude de vendeurs agglutinés autour du bus. Une halte impromptue pour laisser passer les coureurs du Tour cycliste international de Côte d’Ivoire ou « Tour de la réconciliation »* et enfin une panne qui nous immobilise bien trois-quart d’heure. Il fait nuit lorsque nous atteignons enfin Korhogo, mais les coupeurs de route n’étaient pas au rendez-vous… Nous apprendrons le lendemain qu’ils avaient salement sévi la veille.
Le voyage de retour se déroule sans histoire – mais non sans subir la retransmission intégrale de la dixième édition de la nuit des humoristes, très vite exaspérante à mon goût – jusqu’à Yamoussoukro où nous restons une journée. Le lendemain, pour regagner Abidjan, nous choisissons la compagnie classés numéro un, mais ce n’est finalement pas une bonne idée. En achetant nos billets nous apprenons que notre bus sera le « neuvième au départ » et il nous faut du temps avant de comprendre de quoi il retourne. Pas d’affolement car nous attendons finalement notre bus deux heures en essayant d’échapper au soleil dont l’avance nous traque impitoyablement sous notre petit bout d’auvent. Pour finir, les deux heures de trajet doublent littéralement suite aux embouteillages à l’arrivée.
Pendant ce retour, tout en subissant la bande son d’un navet américain gratiné, je lis Le voyage de l’éléphant de José Saramago. Que ne suis-je assise sur le dos d’un pachyderme comme Subhro, le cornac de Salomon, un éléphant qui voyagea de Lisbonne à Vienne en 1551.
* 84 équipes représentant 13 pays africains et européens affirme le reporter de yabiladi.com mais j’ai des doutes à moins que deux équipes puissent se partager des coureurs ?
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