Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #106: Les nomades de la toile
A l’occasion de la semaine de la francophonie, Paula découvre d’autres dimensions de sa nomadité.
Bien sûr le nomadisme flirte avec le numérique. Sur un dépliant de la manifestation, je découvre qu’un appareil peut être lui aussi nomade dès lors qu’il est « objet de taille réduite qui permet la consultation, l’échange d’informations sans être relié à une installation fixe (téléphones, ordinateurs portables, agendas, répertoires électroniques…) » Quant aux travailleurs, ils deviennent qualitativement « nomades » s’ils utilisent « les nouvelles technologies pour travailler en toute circonstance ».
Actuellement, je suis donc doublement nomade: géographiquement, cela va de soi, et numériquement puisque mon seul et unique outil de travail est un ordinateur.
A la recherche d’un travail depuis maintenant six mois, j’utilise mon temps « libéré » pour prendre par internet un cours sur la législation internationale des Droits de l’homme. L’enseignement est en anglais, bien que dispensé par une université belge wallonne. C’est un MOOC (Massive Open Online Course), aussi connu comme un CLOM (Cours en Ligne Ouvert et Massif) en francophonie, à moins qu’on ne préfère la désignation plus libertaire de FLOT (Formation en Ligne Ouverte à Tous).
Ce nomadisme m’a permis la semaine passée d’accompagner Marco à Agboville, la ville des séminaires (voir Nomad’s Land #105). Dès que possible, je saisis toutes les opportunités de voir du pays. Coincée dans un hôtel, isolée pendant 36 heures, je n’ai pas vu grand chose de ce chef-lieu fort peu dynamique mais j’ai bien visité l’hôtel. La couverture réseau ne me permettait pas de travailler dans ma chambre alors j’ai nomadisé dans divers lieux où je pouvais réunir à la fois une connexion, une chaise, une prise électrique (mon vieil ordi ne tient plus la charge) et un climatiseur. Je prétends que bâtir un argumentaire juridique valable pour justifier, disons, l’interdiction du port d’un short au travail demande un peu de fraîcheur d’esprit.
La réception aurait dû être l’endroit idéal avec son canapé confortable et la proximité d’une machine à café, mais la télévision fonctionnait en continu. J’ai bien demandé à la réceptionniste de baisser le son puisque j’étais la seule cliente et que je tournais le dos à l’écran. Ma demande a été superbement ignorée, c’était l’heure d’une telenovela (feuilleton à la sauce sud américaine).
Selon une enquête de septembre 2014 de la chaîne télévisée nationale RTI, 35% des téléspectatrices de plus de 15 ans regardent ce genre de feuilleton chaque soir à 19h30 et 48% à 22h. Celles qui n’ont pas de télévision vont chez les voisins. Pour expliquer cet engouement, un docte professeur titulaire de psychologie sociale explique que « les femmes, vous le savez, sont plus affectives que rationnelles ». J’irais bien lui rationnaliser le cerveau! Évidemment, il s’abstient de commenter l’enthousiasme des hommes pour ces programmes. Diffusées depuis 25 ans, ces feuilletons initialement brésiliens sont aujourd’hui concurrencés par les romances indiennes valorisant mieux la famille et surtout moins portés sur le sexe ou pour le moins sur les scènes d’amour car la RTI admet tranquillement censurer des scènes qui pourraient heurter les âmes prudes.
J’ai donc découvert une telenovela. J’ai eu un instant de désespoir en réalisant que je n’avais pas mis dans ma valise la robe à 5.000 dollars que les chambrières auraient pu essayer subrepticement en nettoyant ma « suite » et rencontrer alors le fils d’un député en campagne qui serait tombé sous le charme de l’une d’entre elles, lui offrant un avenir radieux. C’est ce que racontait l’épisode et j’ai pu comprendre toute l’histoire alors que j’en regardais le numéro 239.
Le bâtiment est surprenant avec des couloirs et des escaliers invraisemblables, dont un passage de moins de 40 cm de large, résultat d’une construction en plusieurs étapes dont les différentes phases se lisent dans la couleur des dallages muraux. Un « Dieu nous protège » est peint tout tout le long de notre couloir mais je suis rassurée de voir des extincteurs aux deux extrémités.
Comme Marco, j’ai profité de la télévision de la chambre pour regarder un glaçant mais excellent reportage d’Envoyé spécial sur les « sœurs » musulmanes qui rêvent d’en découdre et de casser du mécréant. A ce sujet, je sais enfin ce que gagnent les « sœurs » en religion qui se font sauter pour leur sainte lutte (ça sent la contrepèterie mais ne cherchez pas): elles ont le droit d’inviter au paradis 70 membres de leur famille. Le genre de deal que je trouve franchement moyen: tout le monde n’a pas 70 membres dans sa famille et surtout je pense que comme les hommes ont le droit à leurs 70 vierges, les « soeurs », elles, devraient avoir droit à 70 puceaux.
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