Ici aussi 🇺🇸, on marche pour que ça bouge! Ou que ça ne bouge pas… Les carnets d’ailleurs de Marco & Paula #235
Paula a fait ses premiers pas de manifestante à la mode américaine...
En Virginie, comme absolument partout ailleurs, on trouve de belles personnes et toute la gamme intermédiaire jusqu’aux crétins finis. Les premiers ont élu en décembre dernier un nouveau gouverneur qui vient de promulguer une loi restreignant la vente des armes à feu — pas plus d’une par mois à la même personne, excusez du peu, et contrôle obligatoire de ses antécédents judiciaires — et rétablissant le droit pour les autorités locales d’interdire le port d’armes dans les espaces publics.
Les derniers — les ras-du-bulbe — ont immédiatement déclenché des manifestations hurlant contre cette « très sérieuse attaque du second amendement par le Great Commonwealth de Virginie » comme l’a twitté le président américain. De fait, samedi soir, j’ai reçu un laconique message d’alerte du Consulat de France invitant les ressortissants français à ne pas musarder ces quatre prochains jours à Richmond, capitale de la Virginie, le Gouverneur ayant décrété l’état d’urgence en raison « des risques de violences, potentiellement armées ».
Ce même État de Virginie qui, grâce à son nouveau Sénat un peu plus libéral, pourrait enfin permettre l’adoption de l’ERA, le serpent de mer du droit des femmes. Il suffirait me dit-on qu’un seul des treize États qui n’ont toujours pas ratifié cet amendement à la Constitution le fasse pour qu’il passe, et la Virginie était l’un de ces récalcitrants jusqu’à il y a encore quelques jours.
Imbroglio …
Mais de quoi s’agit-il ? c’est la question que je me suis posée ce samedi lors de la Marche des femmes-2020 à laquelle nous avons participé, en voyant des panneaux ERA brandis par les manifestantes -femmes, hommes et non genrés. L’Equal Rights Amendment a été adopté par le Congrès en 1923 pour établir les mêmes droits et devoirs pour les femmes et les hommes. Depuis, il n’est toujours pas en vigueur. Légalement, n’ayant toujours pas été ratifié par le nombre requis d’États il serait même caduc depuis 1982, la date butoir de ratification. Les discussions juridiques et politiques sont en cours pour remettre son adoption à l’ordre du jour du Congrès, car même si des États par suite des mouvements tels « Mee Too movement » l’ont adopté depuis, d’autres s’étaient auparavant rétractés. La complexité des deux niveaux de pouvoirs aux États-Unis m’est encore par trop mystérieuse pour que je parvienne à en démêler tous les tenants et aboutissants. Pour résumer, l’égalité femmes-hommes au niveau fédéral n’est pas encore gravée dans le marbre.
Beaucoup d’autres panneaux fleurissaient dans cette manifestation, porteurs de messages vraiment locaux comme « Trump dégage », « voter Warren », une des deux femmes candidates à l’investiture des démocrates, ou de revendications féministes plus universelles. J’ai vite repéré les activistes des plannings familiaux et ceux du droit à l’avortement et nous ai manœuvrés jusqu’à eux. D’une part, ces deux sujets font partie de mes combats, d’autre part, mon statut de migrante semi-légale ne m’autorise pas à critiquer publiquement le gouvernement en place.
J’ai particulièrement apprécié le grondement dans la foule au passage devant un groupe pro-life installé sur le trottoir. J’aurais bien bousculé leur stand, mais je dois encore patienter avant de leur pourrir la vie. Alors, j’ai juste repris haut et fort le slogan des camarades rappelant que l’avortement est un droit. Marco, lui, a froidement déchiré un tract que lui tendait une femme. C’était beau…
The Vagina Monologues…
J’ai aussi entonné le chant des féministes françaises avec pour résultats quelques sourires teintés d’incompréhension ou de commisération – je chante si mal – sauf de la part d’un jeune homme qui marchant seul à nos côtés, m’a interrogée du regard. Je ne sais pas s’il a compris mes explications sur ce chant, puis il s’est lancé dans un monologue qui n’était pas celui du vagin* mais un galimatias dont je n’ai pu saisir que quelques bribes (j’avais enroulé une écharpe autour de ma tête, le froid étant mordant et le grésil bien mouillant). Au bout de dix minutes, je n’en pouvais plus de lui marmonner quelques mots pouvant passer pour une approbation ou pour le moins une incitation à m’en dire plus. Soudainement, il s’est interrompu, m’a saluée très formellement et s’est éloigné de quelques pas, sans doute déçu.
J’avais mis un turban violet me souvenant que le bonnet rose était un signe de ralliement, mais j’ai appris depuis qu’il était controversé. Je ne savais pas qu’il symbolisait l’utérus et je n’ai pas spécialement envie d’être représentée par un utérus. Quitte à choisir un symbole sexuel dans ce pays où la sexualité n’est pas un sujet facile à aborder, j’aurais préféré un vagin ou mieux un clitoris. Le bonnet rose est assimilé au féminisme blanc négligeant les femmes de couleur. Là, j’ai un peu de mal à suivre, car tous les utérus ont la même couleur, n’est-ce pas?
Ma jeune et belle- fille Olwenn m’a fait gentiment remarquer que je n’avais pas tout compris de la revendication du bonnet rose. Il ne symbolise pas l’utérus mais la vulve. Les deux petites oreilles ne sont ni des petites ni des grandes lèvres et encore moins des trompes de faloppe mais des oreilles de chat. Le « pussy hat » pourrait se traduire par le bonnet des chattes… je n’avais rien compris. Effectivement, les sexes de femmes ne sont majoritairement pas roses et surtout les personnes transgenres ou non binaires peuvent se sentir exclues. Il faut peut-être préciser que les « pussy hat » sont apparus à la suite d’une déclaration de Trump qu’il est inutile de qualifier ni même de diffuser.
Aux environs de la Maison Blanche, des cyclistes en uniforme m’ont bien fait rire et je les en remercie. Ils portaient des vestes où il était marqué en grand « service secret ».
* Les Monologues du vagin (The Vagina Monologues) est une pièce de théâtre d’Eve Ensler créée en 1996.
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