« Ton absence », chronique d’un désastre familial à l’italienne, en mode rions-en. « Ugly », affreuse la société indienne?

Ton absence – Daniele LUCHETTI (Italie) 1h40

Rome, 1974. Guido et Serena, un couple complexe. Il est beau gosse, artiste peu reconnu mais qui ferait tout pour l’être, égocentrique et accessoirement porté sur les jeunes jupons. Elle est belle elle aussi, fragile derrière ses airs décidés, elle aime passionnément son mari. Moins quand elle ne comprend pas son art et son entêtement,  encore moins quand elle découvre ses aventures parallèles. Ils ont deux enfants, Paolo, 5 ans, redoutable grand esprit dans sa naïveté enfantine, et Dario (qui raconte l’histoire) à l’aube d’une adolescence qui s’annonce frondeuse et révoltée. Deux enfants tout autant habitués qu’agacés par la scène de ménage permanente que se jouent les parents. Miraculeusement invité à un évènement artistique en vue, Guido pense étonner son monde avec une installation où ses mannequins nues se peinturlurent. La provoc fastoche est éreintée par la critique. Le couple est en voie d’explosion d’autant qu’à l’occasion de vacances sensées être curatives, Serena se laisse entraîner dans une initiation homosexuelle. Dans ce grand écart, elle découvre surtout sa possibilité de liberté.
L’issue de ce thriller amoureux est à découvrir, ça n’est pas tant ce qui compte et qui plait dans le film de Daniele Luchetti. D’autant que sa belle idée est de raconter la chamaillerie à travers les yeux et le cœur d’un enfant qui s’énerve à juste titre des marchandages amoureux de son papa et sa maman. « Ton absence » (ne pas s’arrêter à un titre abscons et une affiche sirupeuse) s’inscrit dans le renouveau du pur cinéma italien, dans ses ressorts et sa facture. La comédie dramatique est d’abord une comédie, sans pathos, tonique comme l’envie de liberté des années 70 et comme sa réalisation et jouée de façon exquise (Kim Rossi Stuart, Micaela Ramazzotti). L’anti-musique tristoune ressassée de Moretti. C’est même l’inverse: aucune trace de mélancolie dépressive chronique. Le naufrage d’un couple, d’une famille, n’est pas moins triste, moins vrai, quand il est drôlement mis en cinéma.

 

 

 

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Ugly – Anurag KASHYAP (Inde) 2h02
Bombay. Kali, 10 ans, fillette à forte personnalité est enlevée alors que son père, Rahul, aspirant comédien prêt à tout pour réussir, divorcé de sa mère, en avait la garde pour quelques heures. Le chef de la police qui n’est autre que le nouveau mari de la mère de Kali soupçonne Rahul, qu’il a connu étudiant et qu’il déteste, d’être l’auteur de l’enlèvement. Pour mieux se défendre, Rahul lui aussi enquête et se met sur la piste d’un étrange vendeur de masques de rue. Des pistes, il y en a d’autres, trop, vraies ou fausses, on s’y perd, mais ça n’est pourtant pas désagréable. Car de la confusion scénaristique, il reste un édifiant portrait de la société indienne, très loin des standards glamour de l’univers bollywoodien. Vice et violence, corruption généralisée, brutalité de la police, trafic quasi-banal d’enfants, condition de la femme dominée par un patriarcat moyenâgeux… Anurag Kashyap qui avait précédemment livré un film-fleuve de 5 heures « Gang of Wasseypur« , chronique d’une intraitable guerre de clans, regarde son pays droit dans les yeux. Verdict: Ugly (affreux). Et si son scénario embrouille, le cinéaste  est convaincant dans une mise en scène tonitruante qui ne se relâche jamais.
 

 

 

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