Bas les masques jetables ! Les carnets d’ailleurs 🇺🇸 de Marco et Paula # 255
Ici, en Amérique, la courbe de la pandémie est toujours bien ascendante, et Paula observe comment les Américains s’en protègent.
Pour nous dégourdir les jambes et les neurones, nous faisons souvent le tour de notre quartier. Ici, point de boutiques ou de façades, juste des arbres et les allées des quelques demeures du lotissement, bien cachées maintenant que tous les arbres sont en feuilles. Il y a de cela une semaine nous étions donc à déambuler sur la bande herbeuse qui tient lieu de trottoir. Et soudain, là dans l’herbe, aussi agaçant et écœurant qu’un étron canin, un masque jetable!
Je le ramasse du bout de l’élastique pour le jeter plus loin dans une poubelle privée; Marco ne commente pas, me privant de l’occasion d’une saine diatribe contre les ras-du-bulbe qui les jettent par la portière, sans oublier ceux qui ont conçu ces machins jetables.
Jusque dans les années soixante, les masques chirurgicaux étaient réutilisables et performants. Les masques à bec des épidémies de peste (on remplissait le bec de plantes pour bloquer les miasmes) avaient disparu, en faveur de bouts de tissus imaginés pour empêcher que ne choient dans les plaies d’abord les poils de barbe des chirurgiens et soignants, puis au fur et mesure des avancées scientifiques leurs postillons et leurs microbes. Mais quelques gestionnaires d’hôpitaux ont décidé que pour simplifier la gestion des stocks, il fallait passer au tout jetable! C’était dans l’air du temps.
Depuis cette rencontre avec cette chose peu ragoûtante, lors de crises de sinistrose renforcées par quelques lectures d’articles relatifs ou un superfail de France Culture, je visualise des vagues, des monceaux, des nuées de masques jetables. J’ai tenté d’en estimer le nombre: soit au minimum, un masque par jour multiplié par au moins deux milliards d’individus multiplié par x jours de pandémie; j’ai renoncé. La moitié finira par terre ou par mer et mettra plus de 400 ans à se dégrader; l’autre moitié sera jetée à la poubelle et brulée, enfouie, recyclée en couche pour bébé, que sais-je?
Javel et permanganate de potassium
La bataille contre les pailles en plastiques commençait à peine à porter ses fruits quand la Covid-19 l’a reléguée aux problématiques d’avant la pandémie. Aujourd’hui, nous avons trouvé encore un nouveau truc pour marquer notre territoire, et pour quelques-uns, un autre sujet de bataille.
Mais ici, tout le monde ne porte pas un masque comme me l’a fait remarquer une amie en voyant les photos de la dernière rubrique de Marco et trouve d’autres moyens de se protéger. Ainsi, une américaine a allègrement rempli son évier d’eau de javel, de vinaigre et d’eau pour y tremper les achats qu’elle venait de faire. La réaction chimique l’a envoyée à l’hôpital et il lui a fallu plusieurs jours d’hospitalisation sous masque à oxygène pour s’en remettre. Son cas n’est pas une aberration si j’en crois les résultats d’une enquête du CDC (Centre américain de prévention et de contrôle des maladies) qui révèle que pour se prémunir de la maladie de Covid-19, un tiers des Américains n’hésitent pas appliquer de l’eau de javel sur leur peau, à en asperger leurs aliments, voire même à en boire quand d’autres se gargarisent à l’eau savonneuse ou autre produit de nettoyage. Ignorance, excès de prudence ou confiance aveugle dans les propos du « grand menteur », il est difficile de savoir.
En tout cas, je dois ravaler mes sarcasmes car nous avons voulu utiliser du permanganate de potassium pour nettoyer les légumes, comme nous le faisions à Brazzaville. Là-bas, tous nos achats du marché trempaient quelques instants dans un seau à l’eau teintée en rose par la poudre d’un sachet de permanganate de potassium, sachet qui était en vente libre. Ici, ce produit ne se trouve que sous forme liquide et sur commande. Le flacon est arrivé avec sept pages d’instructions en cas de contact avec les yeux ou les muqueuses, en cas d’incendie (produit hautement inflammable) ou autres joyeusetés. Je suis depuis moins pressée de m’en servir
Et pour finir, la bonne nouvelle du jour :
Me voici rassurée, ce n’est pas accidentellement qu’en Australie, une compagnie minière a réduit en poussière une partie des grottes de Juukan, un site sacré des Aborigènes. Un accord avait été signé sept ans auparavant et, peu importe si depuis des fouilles y avaient mis à jour des artefacts vieux de 28 000 ans; un accord est un accord, ont dit « les miniers ». Depuis, le gouvernement s’est décidé à revoir sa copie pour la suite de l’exploitation de ce site. Et les manifestations actuelles contre les violences policières et racistes, réclamant la fin des brutalités notamment envers les Aborigènes, vont les encourager.
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