C’est bientôt la fête de la musique. Mais est-ce la fête des musiciens? Personne n’est d’accord, puisque personne ne s’entend sur ce que signifie aujourd’hui « être musicien ». Et si, une réponse pensée et construite, à cette question, était un premier pas vers une reconnaissance de la place des musiciens dans nos sociétés? Un jour, il y a longtemps, dans une école maternelle, j’étais…
… venu parler à des enfants de musique et les filmer. Fête de la musique oblige. Les questions fraîches et curieuses des petits élèves nourrissaient un roulement d’interrogations. L’une est venue d’une petite fille timide. Elle m’a laissé bouche bée: Ça veut dire quoi être musicien?
J’ai balbutié, me suis pris les pieds dans le tapis, ai dégagé en touche. J’en ai encore un peu honte. Depuis, j’essaye de trouver une réponse simple à cette question si compliquée, mais les idées et les explications se bousculent et me résistent.
Quinze ou vingt ans plus tard, en ouvrant le livre Lubat incendiaire, j’ai enfin trouvé la réponse la plus juste à cette question enfantine et pourtant complexe; une réponse d’artiste, de militant et de pratiquant. C’est Bernard Lubat, poète musicien, oeuvrier uzestois, pianiste, forgeron, révolutionnaire par hygiène, rêveur par génie, empêcheur d’écouter en rond, grand pourfendeur de la musique agréable à l’oseille, improvis’acteur, un homme libre qui parle, et sa parole est d’or. Pas mieux!
J’ai balbutié, me suis pris les pieds dans le tapis, ai dégagé en touche. J’en ai encore un peu honte. Depuis, j’essaye de trouver une réponse simple à cette question si compliquée, mais les idées et les explications se bousculent et me résistent.
Quinze ou vingt ans plus tard, en ouvrant le livre Lubat incendiaire, j’ai enfin trouvé la réponse la plus juste à cette question enfantine et pourtant complexe; une réponse d’artiste, de militant et de pratiquant. C’est Bernard Lubat, poète musicien, oeuvrier uzestois, pianiste, forgeron, révolutionnaire par hygiène, rêveur par génie, empêcheur d’écouter en rond, grand pourfendeur de la musique agréable à l’oseille, improvis’acteur, un homme libre qui parle, et sa parole est d’or. Pas mieux!
Alors, Bernard Lubat, c’est quoi être musicien?
« Ça imprime de l’imaginaire, c’est de l’invisible. Un musicien, c’est fait pour jouer, pour se jouer, pour être joué, pour déranger, pour inventer, pour soulever, pour s’insurger, pour convoquer, pour imaginer, pour danser, pour rythmer, pour s’aventurer. Le monde des sons est infini. Il est à peine commencé. C’est se jouer de soi, se jouer de soi en tant qu’instrument. Se faire attendre, se donner à voir, s’exposer à l’esprit critique. C’est de la représentation, de l’échange, de la provocation, de la relation. Des points, des contrepoints, des virgules, des silences, des sciences, des absences.
C’est aussi de l’individualité et de la collectivité. On joue chacun ensemble. Et on joue avec et contre, avec soi et l’autre. On affronte des conflits on les vit, on les dépasse, ou pas. Jouer évite la guerre. La musique c’est… une espèce de cuisine aléatoire, empirique, qui n’a jamais de fin, qui reste sans solution. Si j’aime la musique, c’est parce que je n’y arrive pas. Depuis que j’en joue, je cours derrière. Elle ne se laisse pas faire. C’est LA musique, pas ma musique. La musique m’intéresse en tant que problème, si elle est un problème et non une solution. La solution, c’est un produit, elle est à vendre, c’est autre chose, c’est de la musique en boîte, utile à faire du produit financier. La musique, vivante ne sert à rien, ni personne, ni la soupe.
Je me souviens avoir vu ici, autrefois, des musiciens de village. Ils jouaient de leurs instruments, sans aucune culture savante, mais ils avaient un plaisir dans les yeux, une joie intérieure, une conscience d’être. La musique, le blues, le duende, ça part de là, de ce plaisir tellement profond.
La musique fait souffrir. C’est un jeu avec soi-même. L’improvisation, n’est guère que la pointe avancée de cette sensation : On se plonge dans l’ignorance de ses connaissances, on prend cet inconnu comme starting-block, on se projette dans le vide, on découvre qu’elles nous attendaient… Comme une mine d’Art. Nous sommes des chercheurs d’art. Voilà mon or. »
C’est aussi de l’individualité et de la collectivité. On joue chacun ensemble. Et on joue avec et contre, avec soi et l’autre. On affronte des conflits on les vit, on les dépasse, ou pas. Jouer évite la guerre. La musique c’est… une espèce de cuisine aléatoire, empirique, qui n’a jamais de fin, qui reste sans solution. Si j’aime la musique, c’est parce que je n’y arrive pas. Depuis que j’en joue, je cours derrière. Elle ne se laisse pas faire. C’est LA musique, pas ma musique. La musique m’intéresse en tant que problème, si elle est un problème et non une solution. La solution, c’est un produit, elle est à vendre, c’est autre chose, c’est de la musique en boîte, utile à faire du produit financier. La musique, vivante ne sert à rien, ni personne, ni la soupe.
Je me souviens avoir vu ici, autrefois, des musiciens de village. Ils jouaient de leurs instruments, sans aucune culture savante, mais ils avaient un plaisir dans les yeux, une joie intérieure, une conscience d’être. La musique, le blues, le duende, ça part de là, de ce plaisir tellement profond.
La musique fait souffrir. C’est un jeu avec soi-même. L’improvisation, n’est guère que la pointe avancée de cette sensation : On se plonge dans l’ignorance de ses connaissances, on prend cet inconnu comme starting-block, on se projette dans le vide, on découvre qu’elles nous attendaient… Comme une mine d’Art. Nous sommes des chercheurs d’art. Voilà mon or. »
Lubat incendiaire, livre entretien « dodécaphonique » avec Jean Marc Faure. Éditions In8 (collection court circuit), 2016.
Et comme digestif pour faire passer l’ensemble, quoi de mieux que ce rapppel bluesy de Bernard Lubat, ce swing gascon-cubain et rocailleux du maître uzestois.
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