Shakespeare #24: ma première leçon d’apnée, il était temps!
Chagos, Maldives, Seychelles, Comores, Madagascar. Les filles sous l’eau durant des heures et moi, en surface la plupart du temps ou dans l’eau mais à quelques mètres et si peu de temps. Ça ne pouvait pas durer, il fallait franchir le pas de la confiance, en les autres et en moi. C’est fait et quel monde merveilleux vient de s’ouvrir à moi…
« Il y a des poissons-clowns dessous tu les as vus? »
A force de voir Sophie, le cap’tain et Aline telles des sirènes explorer tous les fonds durant des heures en apnée, j’ai fini par me dire qu’il devait bien y avoir quelque chose de particulier à vivre cela. Seul bémol, l’idée de passer du temps sous l’eau sans oxygène semblait fortement déplaire à mon cerveau. Je viens de lui prouver qu’il pouvait s’en passer. Enfin, un peu.
Bien… Départ de cette aventure: début mai. Nombre de plongées: incalculable. Fonds marins à couper le souffle, une cap’tain vice-championne du monde d’apnée en 2000 et… Et rien, je « palmouillais » en paix, regardant de haut des décors et une vie sous-marine de rêve, ce qui ne m’empêchait pas de les trouver fantastiques.
Je n’y peux rien, autant j’adore l’eau, je m’y sens comme le poisson que je suis, autant respirer (ou pas) sous l’eau ne m’a jamais semblé très naturel. Si nous n’avons pas de branchies ce n’est pas pour rien, à chacun sa spécialité sur cette terre et les zébus seront bien gardés.
Malgré tout, curieuse comme je le suis, je ne pouvais pas rester insensible plus longtemps à tous les appels du pied de mes petites camarades, cap’tain en tête. Mais la lassitude s’était emparée de tout le monde, partant du principe que si je voulais me former, je n’avais qu’à demander.
Un petit déclic insignifiant pour tous et capital pour moi a fait son premier effet aux Comores. En effet, un jour, Aline est remontée à bord en me disant : « Il y a des poissons clown dessous tu sais?« . Confrontée à des poissons-clowns (vous voyez Nemo?) il y a quelques années, j’ai pratiquement arrêté une palanquée de plongée en Polynésie pour jouer avec eux, caressant du bout des doigts l’anémone qui leur sert d’abri. Le poisson-clown est tour à tour joueur, timide, curieux, peureux et revient sans cesse comme dans une infinie partie de cache-cache. En résumé, il me fascine.
Mes tentatives d’apnée précédentes avaient été de purs échecs. Tel un bouchon de liège, j’avais du mal à descendre et quand à rester sous l’eau, n’en parlons pas. Sophie-doc m’avait déjà lestée avec un kilo de plomb, c’est mieux pour descendre et rester en bas. Puis, le cap’tain m’a rappelé qu’alors qu’elle me formait à la plongée-bouteille il y a plusieurs années elle m’avait enseigné la plongée-canard. Armée de ces deux éléments, je suis donc partie à la conquête de mes amis subaquatiques. Le plomb, rien à dire, ça aide. Mon canard, eh bien ma foi, était lui aussi plombé tenant plus du volatile de cour de ferme que de l’oiseau migrateur majestueux. Qu’à cela ne tienne, durant une heure, armée de mon courage (et à cinq mètres on relativise), je suis montée descendue, montée descendue et là j’ai compris. Compris la passion de mes camarades pour cette pratique qui permet de voir les poissons d’égal à égal, face à face. Avec patience il faut les laisser revenir après leur peur première et attendre, simplement s’émerveiller. En théorie, c’est trop facile. Oui. En théorie.
La voile est l’école de la patience, si l’une de nous en doutait, ce n’est plus le cas. Accro au stress, j’ai curieusement la chance d’être douée d’une infinie patience. Ce qui rend chacune de nos journées facile et j’hérite souvent des travaux minutieux. Malgré tout, sous l’eau, j’avais toujours cette crainte diffuse du manque d’air, qui rendait mes plongées trop brèves même à quelques mètres, mais il y avait les poissons-clowns… Aline en a revu à dix mètres, je n’ai pas eu le courage de tenter l’expérience, il me fallait un accompagnement, je devais demander au cap’tain, je devais apprendre.
Depuis que nous sommes arrivées à Nosy Be, si nous vivons sur le bateau, nous passons tout de même plus de temps à terre que dans l’eau. Parce que c’est agréable, parce que Madagascar nous fascine et qu’on ne peut pas en permanence vivre en vase clos. Enfin, nous avons des amis qui vivent ici et les revoir après des années de contacts de loin en loin nous remplit de bonheur.
Et puis, comme s’il n’y avait pas de hasard, dans ces amis, il y en a une, Patricia, kiné, ostéopathe, bouddhiste et prof de yoga. Depuis des années, elle insiste sur la nécessité pour moi de me mettre au yoga, mais uniquement si je le souhaite vraiment, entre autre pour traiter un problème récurrent d’épaule et de dos. J’y ai toujours été rétive, fort peu convaincue par le côté curatif voire préventif de ce type de pratique. Et, honnêtement, me faire rester une heure sur un tapis, quels que soient les mouvements à suivre, a toujours été simplement impensable. Et comme tous les dix ans, j’ai accepté de venir à une séance. Tout revenait au souffle, à la respiration ventrale, à l’expiration profonde. L’un des éléments indispensables de l’apnée. Le lendemain, nous partions avec Shakespeare vers une petite île toute proche de Nosy Be, j’ai senti que c’était le moment, l’heure idéale du premier cours d’apnée. En cinq minutes, le cap’tain m’a donné trois petits trucs en plus qui n’ont peut-être pas changé ma vie, mais fait de l’heure qui a suivi les 60 minutes subaquatiques les plus douces, sereines, enthousiasmantes, drôles, réjouissantes et profondes que j’aie jamais expérimentées. Sophie-doc est tout de même intervenue à un moment en me rappelant qu’il était bien de faire des pauses de temps en temps avant de replonger. Seul le froid m’a fait remonter à bord, car l’eau d’une idyllique clarté regorgeait d’anémones de mer donc de poissons-clowns. La boucle est bouclée.
Je n’ai qu’une hâte : me remettre à l’eau. Il était temps!
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