Photographe attelé à la construction d’un « Laboratoire de Lumière »… Une manière de nommer l’atelier que je me fabrique… C’est bon pour…
Il me faudrait quelque chose pour que ça passe… En Anjou, il n’y a pas que des châteaux, pas que des vignes et je n’ai pas vu d’acteurs… Il y a aussi et surtout le rythme des repas de vacances. À lui seul et malgré les luttes intestinales possibles, il conditionne l’ensemble des activités, et me rend cérébralement inactif.
Les petits-déjeuners arrosés de cafés que certains allongent ou que d’autres prennent allongés, tartinés de beurre demi-sel pour tout le monde, de confiture maison de rhubarbe ou d’abricot, dehors ou dedans, chacun à son rythme, ont raison de moi dès les premières heures de la journée. Le rythme de ma panse m’empêche de réfléchir. Impossible d’improviser. Le rythme du repas surveille ma somnolence entre ses attentions cruellement délicieuses… Impossible d’y échapper… La liste des courses faite le matin oralement par l’ensemble des participants (entre neuf et quinze par repas) entre deux cafés ou deux portes jamais fermées, me fait saliver et douter de la capacité de mon estomac. Chaque entrée ressemble à un plat, chaque plat de résistance à un banquet, chaque fromage… à l’un des fromages d’un restaurant parisien de l’Ile Saint-Louis spécialisé en « vins et fromages ». Le rythme impose des activités physiques comme la cueillette de haricots chez le voisin -le plus proche est à environ cinq cents mètres à pied- ou une course en voiture pour ne pas arriver trop tard chez un vigneron qui s’avère être une « vigneronne »…
Ce rythme s’impose doucement au fil des jours. Melons goûteux que je parfume de poivre noir, salades de pommes de terre, poulets, viandes, saucisses bretonnes, pâtés, anchois, tomates et salades vertes pour la couleur et la légèreté… Les haricots verts de la cueillette du jour sont présents avec leurs cousins de Paimpol que l’on appelle « cocos » ou les autres que l’on appelle « beurres » à cause de leur couleur!?
Les desserts sont faits maison, au chocolat, ou viennnent de la pâtisserie Allard des « Ponts de Cé » près d’Angers. Je découvre le pâté aux prunes; je goûte à nouveau à leur « Opéra » et à la « Feuille d’Automne »: un gâteau composé de meringues de différentes saveurs et de fines feuilles de chocolat noir… Mais à ce stade du repas et de la digestion je ne rêve plus que d’un Capsicum annuum…
J’en connaissais les bienfaits pour la digestion, ses effets antioxydants ainsi que ses apports en vitamines. Mais il peut être aussi un ennemi intime… Je le connaissais pour l’avoir côtoyé de longues journées.
Un client m’avais demandé de réaliser une prise de vue pour illustrer une affiche 4X3. Le piment est là. Le piment sera.Le choix est difficile, la sélection draconienne. « Il n’en restera qu’un »!
Pour cette commande, je me rends dans une épicerie fine où l’on trouve de beaux produits place de la Madeleine à Paris, en espérant me donner toutes les chances du casting. On dispose devant moi plusieurs caisses de « candidats » sur une grande table, je prends des gants… Pour être élégant!
Il n’est pas forcement simple de choisir. Chacun a son apparence et son caractère: drôle, bouffi, raide, apostrophant, délicat, fin, féminin… Ou tellement récalcitrant que je décide de couper la tête de l’un pour la recoller sur le corps de l’un des comparses du casting. Je pense à Frankenstein… Le sujet doit rester vivant ou sembler l’être durant le temps de la prise de vue. Les deux « candidats » sont délicatement guillotinés. Une fois entier et la tête recollée, je prends le temps de vider « l’élu » d’une partie de ses tripes, du coté invisible sur l’image, de façon à permettre à la lumière de passer. Collé, ficelé à l’aide de fils de nylon, et suspendu dans les airs, le « candidat » est enfin dans la lumière et -chaque reflet est à contrôler- passe de l’ombre à la lumière en faisant un tour de rotative à l’imprimerie où sa taille réelle est modifiée. De sept ou huit centimètres à environ deux mètres cinquante.
La campagne de pub fonctionne bien. L’agence me contacte quelques semaines plus tard pour réaliser une deuxième série d’images avec ce type de « candidats ». Le concept est différent Il me faut plusieurs catégories de piments. Pour cette deuxième sélection je ne me rends pas dans le délicat magasin du centre de Paris. Je vais à la source, je vais à Rungis, on me prête des moufles…
On peut être élégant, même avec des moufles…
LLL. Semaine 17
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