Un rayon de soleil hivernal, il est marseillais mais sans l’accent sauf celui d’une authentique histoire de galères d’aujourd’hui. Un beau cinéma qui malmène justement les clichés.
18 ans, sous ses airs durs, c’est encore une ado rebelle, butée, le monde doit lui appartenir sans qu’elle sache comment s’y prendre. Lenny est à priori une photocopie des quartiers nord de Marseille, les plus pauvres, leurs trafics aussi qui les abonnent à la rubrique des faits divers mais nécrologiques. Pas besoin d’apprendre quand on y est née, elle donne un coup de main à son frère et sa bande qui dealent.
Toute jeune donc mais déjà maman d’une fillette de 2 ans confisquée à sa naissance dans un foyer, un accident, encore une blessure. Tout ça n’est pas la vie dont elle veut, c’est sa révolte, qu’elle consigne compulsivement sur un carnet qui ne la quitte jamais. Une matière première aux paroles de la rappeuse qu’elle voudrait devenir, sans oser. Beaux textes, elle a le sens de la formule, notamment pour clouer le bec à ceux qui l’emmerdent.
Par hasard Lenny croise Max. Max c’est Maxine et c’est tout le contraire de Lenny. Même âge, elle est congolaise sans papiers, sa mère a été expulsée, elle a héritée de l’entretien de sa grand-mère et de ses frères et sœur. Elle s’en acquitte dans la bonne humeur et une joie de vivre qui illumine un pauvre quotidien. Max est un soleil d’optimisme quand Lenny est un astre noir qui fait tout pour rendre sa vie impossible. Pourtant, elles deviennent les meilleures amies du monde, chacune devenant la bonne lumière de l’autre, elles vont en avoir besoin car Max & Lenny n’est pas un conte de fées.
François Bégaudeau est au scénario, habitué de ce monde de grands ados, il avait réussi à remettre une dynamique dans l’incertain tumulte d’Entre les murs. Fred Nicolas -dont c’est le premier long-métrage- réussit l’improbable: illuminer de la lumière marseillaise deux galères mal parties, sans pathos, sans angélisme non plus. Il connaît bien la cité phocéenne, pas seulement celle un peu carte postale post-pagnolesque de Guédiguian, et montre tout d’un Marseille contrasté qui se transforme et se cherche, certes les cités du Nord mais aussi le centre-ville et les calanques; ses images sont belles, justes et efficaces. Au delà de ce décor très signifiant, son film renvoie à l’universel des difficultés de la fin de l’adolescence, de l’enfer des trafics, du machisme et du monde des filles: Max & Lenny a une autre authenticité que, sur un sujet voisin, la vision clippée de Bandes de filles. Ses deux caractères en ont mais « elles traversent des épreuves bien trop lourdes pour leurs épaules et n’ont même pas idée de ce que pourrait être une vie facile« , explique Fred Nicolas.
Au service, deux fortes personnalités de jeu, Camélia Pand’or et sa rage rentrée et Jisca Kalvanda pour la générosité communicative.
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