Famille je vous aime? Pour son second film, l’américain Patrick Wang explore à nouveau les difficultés de la parentalité. Avec délicatesse et efficacité. Le dvd pour savourer une optimiste tragédie familiale.
Ca commence par l’involontaire plongeon d’une petite fille dans un fleuve. C’est un chien qui l’y a précipitée alors qu’elle se livrait à un étrange rituel. Le coupable est le chien de Gordie, un joyeux jeune homme qui se jette illico à l’eau pour sauver la fillette. Elle porte un drôle de prénom, Biscuit, elle est d’ailleurs assez drôle et surtout très futée, on le verra vite à entendre ses remarques bien trempées, même quand elle ne sort pas d’un bain accidentel. Confus mais pas manchot, Gordie raccompagne chez elle Biscuit qui tombe sur une grosse surprise: elle découvre une nouvelle grande sœur.
John et Ricky, couple quadra upper middle class, sont également les parents de Paul, un pré-ado sympathique mais grassouillet, souffre-douleur idéal pour ses camarades de classe, c’est pas sûr qu’il se laisse éternellement martyriser.
Comme on n’est pas dans une comédie, on apprend tour à tour que Ricky a récemment été enceinte d’un fœtus malformé, que Jessica (la donc nouvelle sœur de Biscuit, issue d’une précédente union de John) est enceinte d’un vaurien en fuite – et pour cela elle vient de se faire jeter de chez ses parents –, qu’enfin Gordie, derrière ses airs enjoués, se remet mal de la récente disparition de son père qui lui laisse un héritage embarrassant d’objets personnels.
On n’est pas dans une comédie, on est en plein drame, celui d’une famille que ronge le secret d’un enfant qui n’est pas né, un évènement terrible entraînant le comportement complexe des petits et des grands. Jessica et Gordie, eux-mêmes en situation délicate, seront les révélateurs de ces non-dits et c’est par eux que surgira peut-être une forme de catharsis familiale.
Dans cette famille, chacun essaie de régler ses problèmes par lui-même. C’est dommage.
Patrick Wang – entretien dans les suppléments du dvd.
Adapté d’un roman de Leah Hager Cohen, Les secrets des autres est le second film du réalisateur américain Patrick Wang déjà remarqué pour In the family sorti en France l’année dernière. Les thématiques sont très proches puisque cette fois-ci à nouveau c’est la parentalité, ses méandres, ses questions et ses malaises qui sont au centre d’un récit bouleversant. Après le drame secret d’un enfant qui n’est pas venu, la relation entre John et Ricky devient invivable, et on comprend les errements et révoltes de Paul et Biscuit. Jessica, elle, a trois parents, deux familles, et le bébé qu’elle porte n’aura pas de père. Quant à Gordie, il ne sait comment faire le deuil de son géniteur quand celui-ci, par ce qu’il lui laisse, devient un inconnu.
Wang, c’est déjà un style dans la manière délicate qu’il a d’aborder le (mélo)drame. Puisque le pire n’est jamais certain, il avance tout en douceur, évitant les évidences, privilégiant le doute, préférant les ombres plutôt que les explications savantes. Dans son récit, il aime se jouer de la temporalité en s’essayant aux surimpressions sonores ou visuelles, il explique à l’avance une séquence à venir, ou l’inverse, assemblant patiemment comme une exquise marqueterie finalement parfaitement limpide.
La sobriété de la forme n’est pas seulement efficace, elle est éblouissante, tout comme la scène finale (au sens propre): on a compris que Wang aime les happy end, s’ils ne sont pas niais. Certes, ils se méritent, mais il ne faut pas désespérer des situations désespérantes. La preuve.
Les secrets des autres – Dvd – Ed Distribution
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