Pasolini – Abel FERRARA (USA) – 1h24
Pier Paolo Pasolini est l’un des cinéastes italiens les plus importants et originaux du XXème siècle.
L’américain (qui a des origines italiennes) est un filmeur du trash, Bad Lieutenant, Nos funérailles, ‘R Xmas, Mary, notamment, c’est lui, toujours des situations impossibles du wild side. La rage d’un artiste, son désespoir, la puissance de son cinéma. Ferrara est le plus pasolinien des cinéastes indépendants américains. Normal qu’il s’essaye à un hommage à l’un de ses maîtres.
Pasolini, écrivain, cinéaste et citoyen révolté. Le voici ici dans ses dernières heures. Il rentre d’un voyage à Stockholm. Il a 53 ans, mais c’est chez sa maman qu’il revient dormir. Il prépare la sortie de Salò et reçoit des journalistes admiratifs, un peu trop, ils tiennent leur papier d’une rencontre avec le maestro. Pourtant, en face d’eux, un homme simple, certes complexe, secret, trouble, meurtri, engagé, scandaleux, quel adjectif choisiront-ils pour leur titre? « Politique! », tout simplement? Car dans le verbatim que propose Ferrara, à la question: « Le sexe, est-il politique?« , la réponse: « Bien sûr! Il n’y a rien qui ne soit politique. » Pasolini est fondamentalement politique, dans ses films mais aussi plus directement: un militant dénonçant le pouvoir de l’argent et la tyrannie de la possession. Dans ce moment ultime, il terminait la rédaction d’un livre, Petrolio, stigmatisant les magouilles de l’industrie pétrolière en liaison avec la bienveillance complice de politiciens cupides.
Pasolini est ambigu et multiple, Ferrara va à l’os en le mettant en scène dans de raides et chaudes scènes de dragues homos nocturnes, finalement fatales, c’est aussi un tendre, comme nous tous, Ferrara l’imagine avec ses amis, l’extravagante Laura Betti (étincelante Maria de Meideros), Ninetto Davoli, son acteur complice de toujours, dans un cercle familial finalement assez ordinaire dont sa mère est la discrète autorité, son obsession de fils, sa passion, c’est à elle qu’il avait confié le rôle de la Vierge Marie dans L’Evangile selon Saint Matthieu…
On imagine parfois Abel Ferrara azimuté et arrogant, c’est en tout cas un grand réalisateur. On apprécie ici sa modestie, et l’authenticité de son respect de l’œuvre et de l’esprit de celui dont il parle et qu’il aime. Quand il propose une mise en images de l’aperçu d’un scénario non tourné de l’italien, on est impressionné par sa capacité à reproduire le style de celui qu’on aime aussi.
C’était forcément une question: qui pour être Pasolini? Willem Dafoe est parfaitement convaincant, intensément habité et tourmenté, on oublie le comédien, la ressemblance n’est pas que physique, elle est incarnée. Il plaît comme il agace, comme Pasolini pouvait plaire et parfois agacer dans son intransigeance. Pasolinien lui aussi, il montre comment la beauté peut engendrer le génie, la violence et parfois la mort.
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