Est-on coupable par hérédité? Comment s’arranger avec un secret de famille quand on découvre que son grand-père a été SS dans un camp nazi? Réponse nuancée dans ce film d’une autrichienne très concernée qui manie la fiction pour explorer la réalité du passé qui nous constitue.
Les vivants – Barbara Albert (Auriche) 1h52
Deux jeunes femmes se croisent au camp d’Auschwitz devenu musée de souvenir. « Vous aussi un de vos parents a été ici?« , demande la première qui enquête pour le compte d’une tante rescapée de l’horreur. « Oui, enfin…« , répond l’autre et, désignant un mirador, termine: « Mon grand-père y a été gardien…« . Une séquence forte et bouleversante, pourtant presque légère, à l’image d’un film qui dès son titre, Les vivants, annonce son intention: évoquer un sujet grave en tournant le dos au pathos.
Sita a 25 ans, allemande aux origines multiples, autrichiennes mais également de cette Roumanie transylvanienne qui fricota avec l’Allemagne des années 30. Étudiante à Berlin, jolie, vive, aussi à l’aise dans son jogging que sur sa Vespa ou sur un dancefloor, elle est bien dans son époque. Elle découvre par hasard que son grand-père a été soldat SS, et qu’après avoir été blessé au front, il fut affecté à des fonctions de maton dans le plus tragiquement célèbre camp d’extermination nazi. C’est un choc, elle décide d’enquêter sur ce qui est devenu un secret de famille. D’abord discrètement avec ce grand-père, mais il est très vieux, sans doute parce qu’il perd la tête, il élude. Elle interroge alors son père qui se braque, hostile: « Le passé c’est le passé!« , il est pourtant né à Auschwitz quand ses parents y étaient employés… Elle file à Varsovie, un centre de documentation la prévient, les informations sont longues et difficiles à obtenir. C’est un oncle éloigné qui lui délivrera une vérité, par le biais de vidéos qu’il avait enregistrées du grand-père. Celui-ci, nazi passif, passait aux aveux, également passifs: « Ça n’était pas moi, c’est comme si un fantôme avait pris possession de mon corps. Je plaide non coupable« .
Le film de Barbara Albert, qui est autrichienne, est en partie autobiographique, c’est aussi ce qui en fait sa force. Sita (convaincante Anna Fischer), son personnage principal ne cherche pas à condamner, ni même à simplement pardonner, elle veut savoir, savoir ce qui la constitue, savoir l’Histoire en même temps que son histoire: en effet, la belle astuce du film c’est de montrer que cette quête fait d’abord partie de la construction de son être de femme du 21ème siècle, trois générations après l’Holocauste.
Les vivants, dans sa forme fonctionne à l’arrache de la vitalité de son héroïne et du documentaire qu’il est aussi.
Un road-movie historiel réussi dans ses nuances, pour dire qu’on peut avancer sans oublier. Parce qu’on veut vivre.
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