- A touch of sin – Jia Zhang-Ke (Chine)
Comment ça va la Chine? Mal.
Ce ne sont pas les impérialistes occidentaux qui le disent mais les chinois eux-mêmes et leurs cinéastes. Le miracle économique post-maoïste nourrit les haines et les rancœurs de ses laissés pour compte. En deux temps quatre mouvements, Jia Zhang-Ke en administre une illustration cinglante et sanglante. Plus fort qu’un documentaire.
Quatre histoires, quatre personnages, quatre provinces chinoises.
Dans un village, Dahai se révolte contre la collusion du maire avec le nouveau propriétaire de la mine opportunément privatisée. San’er n’a d’autre possibilité que de migrer au loin de job en job, délaissant sa famille. Xiao Yu est caissière d’un sauna, pas une pute, même pour tous les billets d’un nouveau riche. Le jeune Xiao Hui ne survit pas à l’enfer d’une giga-usine d’électronique. Dans tous les cas, il y a du sang et des morts violentes.
« La transformation rapide de la Chine s’est faite au profit de certaines régions maiségalement au détriment d’autres, explique Jia Zhang-Ke. L’écart entre les riches et pauvres se creuse de plus en plus. Les gens ont le moral en berne car ils sont constamment confrontés à des exemples de richesses mais aussi à l’injustice sociale. » On s’en doutait, c’est plus crédible encore quand c’est un chinois qui le dit. Et qui le montre, de belle façon cinématographique. Pour construire son scenario, Zhiang-Ke s’est inspiré de personnages et de faits divers réels qu’il a ensuite inclus dans une forme d’opéra tragique en quatre actes. Car par un détail ou deux, chaque histoire parle et répond à une autre.
Le cinéma à la rescousse du documentaire
On imagine que ça n’est pas sans difficultés que Zhiang-Ke a pu valider son scénario auprès des commissions ad hoc et obtenir une autorisation de tournage dans la rigidité -certes flageolante- d’un régime ideologico-pudibond qui se défendra d’une telle audace en n’autorisant pas la distribution domestique du brûlot. Jia Zhang-Ke avait déjà proposé en 2007 le formidable Still Life, une variation amoureuse dont l’action s’inscrivait dans l’impressionnant chantier destructeur de vie du barrage des Trois Gorges. D’autres cinéastes chinois ont utilisé le fard de la fiction pour évoquer la réalité de leur pays. On pense particulièrement à Wang Chao.L’Orphelin d’Anyang en 2002, une prostituée qui ne peut élever son enfant et qui le confie à un miséreux. Jour et nuit en 2005 qui déjà montrait le conflit entre tradition et bouleversement économique. Ou encore Voiture de luxe, une prostituée vulnérable amoureuse d’un mafieux. Autant de chefs d’œuvre cinématographiques qui disent beaucoup d’une société.
Dans sa synthèse la fiction en dit plus que le documentaire. Les historiens de tous pays en feront bon usage.
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