
Déjà « Une histoire de la peur »? Un jeune cinéaste argentin s’amuse à en proposer les premières pages modernes. Essai subjectif sur une réalité objective. La peur aussi, celle d’un soldat perdu dans le conflit irlandais des années « ’71 ». Un bon thriller qui a du sens.
Histoire de la peur – Benjamin NAISHAT (Argentine) – 1h20
Banlieue de Buenos Aires, le vrombissement assourdissant d’un hélicoptère. Il survole un ghetto de riches, villas cossues et piscines, soigneusement isolé par des clôtures d’un no man’s land de pauvreté, de crasse, d’ordures et de chiens errants. Le haut-parleur défaillant de l’hélico rappelle aux sans-dents qu’il faut se tenir à carreau, d’ailleurs une nouvelle expulsion est programmée. Le son et le ton sont donnés dans cette séquence d’ouverture: les pauvres, ayez peur des riches à qui vous faites peur. Ils ne sont pas les seuls, aujourd’hui tout le monde à peur, le film du jeune cinéaste argentin propose une forme d’état des lieux subjectif de cette inquiétude devenue comme obligatoire et permanente dans nos sociétés ultra-normalisées où en se méfiant de tout, y compris de soi-même, on se rangerait aux ordres de ceux, politiques et financiers, qui en construisent pouvoirs et fortunes. Ainsi, Benjamin Naishat fait se croiser divers personnages, des riches et des pauvres (leurs domestiques), tous sourdement habités de l’angoisse d’une catastrophe à venir. Tout et rien peut être effrayant: un original qui se met à danser dans la file d’attente d’un fast food (heureusement rapidement ceinturé par un vigile), un ascenseur qui s’arrête entre deux étages, une alarme intempestivement déclenchée et, bien sûr, le JT et ses horreurs. On se regarde en coin, on se suspecte, l’autre fait peur.
Il n’y a pas vraiment d’histoire, plutôt un enchainement de séquences courtes à l’exception de la dernière, un diner de bourgeois aisés qui à elle seule vaut un ticket de cinéma. L’effroi n’est jamais explicite, c’est le hors-champ qui intrigue, qui suscite une potentielle angoisse, les sons du lointain, l’inconnu de ce qui n’est pas vu. La narration erratique autant que la belle image de « Histoire de la peur » contribuent à l’installation froide d’un malaise parfois comique. On pense à Haneke et à d’autres cinéastes autrichiens (Ulrich Seidl, notamment « Dog days« ). Mais puisqu’on est en Argentine, on se souvient surtout de « La cienaga« , indispensable film de Lucrecia Martel, qui en mélangeant naturalisme et fantastique fréquentait des thèmes voisins.
Il ne faut pas avoir peur d’aller voir « Histoire de la peur« .
Banlieue de Buenos Aires, le vrombissement assourdissant d’un hélicoptère. Il survole un ghetto de riches, villas cossues et piscines, soigneusement isolé par des clôtures d’un no man’s land de pauvreté, de crasse, d’ordures et de chiens errants. Le haut-parleur défaillant de l’hélico rappelle aux sans-dents qu’il faut se tenir à carreau, d’ailleurs une nouvelle expulsion est programmée. Le son et le ton sont donnés dans cette séquence d’ouverture: les pauvres, ayez peur des riches à qui vous faites peur. Ils ne sont pas les seuls, aujourd’hui tout le monde à peur, le film du jeune cinéaste argentin propose une forme d’état des lieux subjectif de cette inquiétude devenue comme obligatoire et permanente dans nos sociétés ultra-normalisées où en se méfiant de tout, y compris de soi-même, on se rangerait aux ordres de ceux, politiques et financiers, qui en construisent pouvoirs et fortunes. Ainsi, Benjamin Naishat fait se croiser divers personnages, des riches et des pauvres (leurs domestiques), tous sourdement habités de l’angoisse d’une catastrophe à venir. Tout et rien peut être effrayant: un original qui se met à danser dans la file d’attente d’un fast food (heureusement rapidement ceinturé par un vigile), un ascenseur qui s’arrête entre deux étages, une alarme intempestivement déclenchée et, bien sûr, le JT et ses horreurs. On se regarde en coin, on se suspecte, l’autre fait peur.
Il n’y a pas vraiment d’histoire, plutôt un enchainement de séquences courtes à l’exception de la dernière, un diner de bourgeois aisés qui à elle seule vaut un ticket de cinéma. L’effroi n’est jamais explicite, c’est le hors-champ qui intrigue, qui suscite une potentielle angoisse, les sons du lointain, l’inconnu de ce qui n’est pas vu. La narration erratique autant que la belle image de « Histoire de la peur » contribuent à l’installation froide d’un malaise parfois comique. On pense à Haneke et à d’autres cinéastes autrichiens (Ulrich Seidl, notamment « Dog days« ). Mais puisqu’on est en Argentine, on se souvient surtout de « La cienaga« , indispensable film de Lucrecia Martel, qui en mélangeant naturalisme et fantastique fréquentait des thèmes voisins.
Il ne faut pas avoir peur d’aller voir « Histoire de la peur« .
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’71 – Yann DEMANGE (Grande-Bretagne) – 1h39
Belfast, 1971. La guerre civile entre nationalistes catholiques et unionistes protestants se radicalise. L’armée britannique doit faire face et envoyer de nouvelles troupes en Ulster. Gary Hook est un jeune commando, il fait partie des renforts. Gary est un gaillard costaud et discipliné, a priori pas un héros, encore moins un tueur revanchard. A peine arrivé, son unité est envoyée en soutien d’une opération de police qui tourne à l’émeute. Les militaires doivent battre en retraite, il est isolé de ses camarades et aussitôt poursuivi par des paramilitaires de l’IRA. Ainsi débute une chasse à l’homme haletante, un homme traqué aussi bien en territoire catholique qu’en zone protestante. On imagine bien qu’il s’en sortira, mais on ne saura comment qu’à la toute fin du film.
Un scénario quasi parfait, brillamment emballé et servi par l’excellence habituelle des comédiens britanniques (et irlandais). Pas de temps morts, à peine quelques pauses dans ce qui n’est pas simplement un thriller impeccablement mis en scène. Le cinéma britannique s’est déjà penché sur le douloureux conflit irlandais, « Bloody sunday » de Paul Greengrass (2002), « Hunger » de Steve McQueen (2008), « Shadow dancer » de James Marsh (2012), pour ne citer que ces trois bons films. ’71 montre à nouveau le drame et la complexité de ce conflit irlandais, la puissance des engagements dans le camp catholique, à 8 ans on rend des services et on porte des valises, à 15 on prend les armes pour répliquer à la violence souvent aveugle d’une armée et au cynisme des services secrets de Sa Majesté. Mais il n’en est pas qu’une nouvelle variation, c’est aussi un portrait de guerre, de toute les guerres. A quelques changements de décors près, on pourrait être en Afghanistan ou au Moyen-Orient, là ou des troupes occidentales débarquent face à un ennemi qu’elles ne connaissent pas. Yann Demange, réalisateur expérimenté mais dont c’est le premier long-métrage, connait bien les règles d’un film de genre de ce type, mais sa valeur ajoutée c’est d’en dépasser les conventions en plaçant l’homme au cœur de son sujet, des bons, des moins bons et des méchants, tous des hommes, des femmes, tueurs ou victimes, et donc aussi ici des gosses et des ados dont on n’est pas sûrs qu’ils ont compris pourquoi ils sont engagés dans une spirale de la haine. Au-delà des balles et des bombes, c’est l’humain qui est au cœur de ’71.
Un scénario quasi parfait, brillamment emballé et servi par l’excellence habituelle des comédiens britanniques (et irlandais). Pas de temps morts, à peine quelques pauses dans ce qui n’est pas simplement un thriller impeccablement mis en scène. Le cinéma britannique s’est déjà penché sur le douloureux conflit irlandais, « Bloody sunday » de Paul Greengrass (2002), « Hunger » de Steve McQueen (2008), « Shadow dancer » de James Marsh (2012), pour ne citer que ces trois bons films. ’71 montre à nouveau le drame et la complexité de ce conflit irlandais, la puissance des engagements dans le camp catholique, à 8 ans on rend des services et on porte des valises, à 15 on prend les armes pour répliquer à la violence souvent aveugle d’une armée et au cynisme des services secrets de Sa Majesté. Mais il n’en est pas qu’une nouvelle variation, c’est aussi un portrait de guerre, de toute les guerres. A quelques changements de décors près, on pourrait être en Afghanistan ou au Moyen-Orient, là ou des troupes occidentales débarquent face à un ennemi qu’elles ne connaissent pas. Yann Demange, réalisateur expérimenté mais dont c’est le premier long-métrage, connait bien les règles d’un film de genre de ce type, mais sa valeur ajoutée c’est d’en dépasser les conventions en plaçant l’homme au cœur de son sujet, des bons, des moins bons et des méchants, tous des hommes, des femmes, tueurs ou victimes, et donc aussi ici des gosses et des ados dont on n’est pas sûrs qu’ils ont compris pourquoi ils sont engagés dans une spirale de la haine. Au-delà des balles et des bombes, c’est l’humain qui est au cœur de ’71.
Séance de rattrapage avec la sortie du Dvd de « Swim Little Fish Swim« , film enchanteur de Ruben Amar et Lola Bessis dont desmotsdeminuit.fr, impressioné, avait salué la sortie. (Ciné, Cinoche #040614)
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