Michel Butor 1926-2016: « Écrire, c’est détruire des barrières »
« J’ai un peu de mal avec l’Internet, je suis un homme du XXe siècle, avec le XXIe j’ai des difficultés. Tout de même, j’ai trouvé que c’était très intéressant comme mode de publication. Les lecteurs d’Internet sont, je crois, spécialement aptes à me lire!… Ils fouillent. Ils surfent. Mes textes aussi vont chercher des références un peu dans tous les coins. » Michel Butor, en 2006 (Libération)
Je bois une bière d’angoisse
avec son écume d’ennui
avant l’heure d’un rendez-vous
où je crains que ne viendra pas
celle que j’avais repérée
mais une autre lui ressemblant
qui n’a pas compris qui j’étais
et ne le comprendra jamaisMichel Butor. L’effet Jade, 2009.
Michel Butor. L’effet Jade, 2009.
- Des mots de minuit. Extrait de l’émission diffusée le 28 novembre 2012
- Michel Butor avec Anouk Grinberg, Claudia Triozzi
- Réalisateur: Anthony Mutti
- Production: Thérèse Lombard, Philippe Lefait
- Rédaction en chef: Rémy Roche
- © DMDM/France2
J’agite mes mots dans mes paragraphes comme un pinceau dans un godet. J’ai mis en branle autour de ces images une agitation irradiante, et chacune appelle ses voisines à l’aide pour retrouver mieux leur énergie commune.
Michel Butor est né à Mons-en-Baroeul dans le Nord. Sept enfants dans la famille, quelques années d’enseignement de philosophie ou de littérature française, à l’étranger, en France et « la gloire » des lettres. Mort en Haute-Savoie où il vivait son âge.
Le poncif, la barbe, l’oeil qui frise, le sérieux de la diction et le ventre tranquille qu’il porte dans ce numéro des mots de minuit voudraient qu’il soit, avec Nathalie Sarraute, Claude Simon ou Alain Robbe-Grillet, l’un des « papes » du « nouveau roman », de « l’école du regard » comme on disait à l’époque chez Minuit. Tout ce qu’il y a autour plutôt que la narration et le linéaire! Pour lui, qu’il romance, essaye ou poétise sur des milliers de pages, écrire a bien été une destruction de barrières. Dans son oeuvre, des collages, des livres à lire cul par dessus tête ou au titre improbable (« 6 810 000 litres d’eau par seconde »), toute sorte d’animaux, des bières d’angoisse, des improvisations sur Balzac ou sur Rimbaud, des recettes de cuisine, un tropisme de l’espace et du temps conjugués, le Prix Renaudot (« La Modification ») en 1957, celui de l’Académie française en 2013 et quelques années d’oubli germanopratain entre les deux. Ami de Georges Perros -ils se sont beaucoup écrit-, observateur du pinceau d’Alechinsky ou de Barceló, Butor, voyageur, homme d’images ou de conversations avec ses congénères, mélomane, était finalement trop fort en poésie, ce qui l’a toujours singularisé. Par ces temps de paroles infinies forcément connectantes et vides, cet explorateur des formes en faisait « un devoir de résistance » et un lieu d’éveil. Son oeuvre: douze volumes de plus de mille pages publiés en 2010 aux éditions de la Différence.
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