Marco & Paula : Carnets d’ailleurs #34 : Marco, premiers jours à Kinshasa
La grande errance est terminée, et Marco s’est enfin posé à Kinshasa. Ci-dessous les premières entrées d’un journal dont on ne sait combien de temps il durera, Marco étant un résistant de la première heure à tout ce qui pourrait ressembler à une routine.
Jeudi : Le leader suprême et deux autres experts (appellation officielle, n’en tirez pas de conclusion hâtive) sont arrivés mardi soir, me sortant un peu trop impérativement de ma torpeur. Donc, hier, réunion de travail de neuf heures à neuf heures, avec des discussions qui me plongent dans une indolence que l’on pourrait croire pleine de sagesse et qui n’est que pleine d’ennui. Le patron et moi n’avons décidément pas les mêmes repères, ni les mêmes méthodes, ni la même résistance à l’absurdité. Mais il faut dire en sa faveur que, sans cette résistance, il n’aurait jamais tenu les trois ans qu’il a fallu pour mettre ce programme sur les rails. Aujourd’hui, même tempo, mais, neuf heures ayant sonné, il faut encore que je traduise un document de cinq pages pour la réunion de demain matin. J’entretiens mon enthousiasme avec des morceaux de chocolat noir accompagnés de petites lampées d’un excellent whisky ramené dans mes malles. Pour un peu, je me prendrais pour Gide quand il se promenait de l’autre coté du fleuve (cf Marco et Paula #28).
Lundi : Tout est normal : l’atelier dont nous avions prévu le démarrage le jeudi a finalement commencé le samedi matin, et aujourd’hui le déjeuner, qui était prévu pour 12 h 30, n’est pas encore arrivé à 14 heures. Ce qui n’est pas trop grave, puisque le coordinateur de l’équipe du client, qui devait venir ce matin et avait ensuite reporté sa venue pour 13 h 30, n’est toujours pas là…. Mais ne blâmons pas les Congolais trop vite ; les réunions de notre équipe, qui est gérée par un ancien du Fonds Monétaire International, ne se terminent jamais avec moins d’une heure de retard, et ses interventions, qu’il promet toujours courtes, s’étirent sans fin, me noyant dans des vagues de torpeur. D’ailleurs, je ne suis pas le seul; mes collègues s’endorment régulièrement avant moi pendant les discussions menées par notre « leader suprême ».
Mercredi : Le travail avec l’équipe nationale démarre vraiment, et nous avons rejoint nos collègues dans la villa qui abrite leurs bureaux. Nous nous sommes installés dans la grande salle de conférence où quelques uns travaillent, quand les réunions ne les en chassent pas. Le bâtiment qui abrite leurs nouveaux bureaux, à quinze mètres de là, est terminé depuis un an, mais il n’est toujours pas utilisable; la Banque Africaine de Développement –encore elle!– s’est emberlificotée dans ses propres procédures et a été incapable, jusqu’ici, de faire meubler les locaux. D’autres membres de l’équipe nationale ont la chance de partager, deux par deux, un bureau qui fait moins de 20 mètres carrés, où ils calent leurs chaises entre des piles de documents qui montent plus haut que leurs têtes.
Je me sens tout à fait à l’aise dans cet endroit; cela me rappelle les bureaux de la direction dans laquelle je travaillais en Côte d’Ivoire, elle aussi logée dans une villa, avec des bureaux entassés dans tous les coins, des piles de dossiers menaçant de s’écrouler et une atmosphère plutôt bon enfant. A Abidjan, toutefois, il y avait une piscine remplie par les pluies qui faisait le bonheur des crapauds locaux, le budget pour son entretien ayant disparu dans le fond d’une poche. Mais on trouve ici aussi des fauteuils cassés qui semblent n’avoir pas été bousculés depuis des mois, et qui paraissent résignés à leur sort de rebut. Je ne suis pas dépaysé : la vie sous les tropiques s’arrange pour rester fort familière d’une longitude à l’autre.
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