Lutte des classes feutrée et choc des cultures. La domesticité d’une mère remise en cause par l’insolence de sa fille.
Une seconde mère – Anna MUYLAERT (Brésil) – 1h52
Val est bonne et bonne. Domestique de corps et d’âme, et femme génétiquement aimable. Depuis si longtemps qu’elle est au service de ces riches bourgeois de Sao Paulo: Barbara, la patronne est une styliste de mode en vogue, Carlos, son ombre de mari n’est plus grand chose mais c’est lui qui a apporté la galette. Comme souvent au Brésil, pour assurer son emploi, Val a dû se séparer de sa fille Jessica, qu’elle a abandonnée à l’attention d’un époux divorcé. Mais elle est devenue de fait la seconde mère de Fabinho, le rejeton de la famille. Voilà que resurgit Jessica, désormais jeune fille, elle revient en ville pour étudier l’architecture. Ravie et émue, Val lui propose de partager sa minuscule et piteuse chambre de bonne, le temps qu’elle trouve un logement à elle. Pas si simple, l’intrépide n’a pas la culture de la soumission de sa mère et des domestiques, elle s’installe dans la luxueuse chambre d’amis de la villa. Grands airs, grandes libertés, au grand dam de Val, elle s’impose sans vergogne à la table des maîtres d’autant plus que, charmante jolie plante, elle relance la libido du vieillissant Carlos. Evidemment, tout ça ne peut pas plaire à la patronne…
Le film a bien quelques défauts, pourtant il plait par le traitement de son propos qui, à sa façon, reprend la transgression de servants à maîtres déjà imaginée par Jean Genet dans Les bonnes. Le scénario n’est pas le même mais il pose lui aussi justement ce rapport dominants-dominés et la tentation d’inversion qu’il peut suggérer. Val, esclave de sa naissance chez les gens de peu, n’imagine pas comprendre le comportement de sa fille qu’elle considère comme un outrage, mais on verra qu’elle peut s’y ranger. Ce refus de la soumission par fille interposée est la belle idée de Une seconde mère. Certes, le scénario qui file aussi la symbolique de la maternité en rajoute un peu trop, dans un final un rien consensuellement happy end. Mais le film fourmille aussi de belles idées de cinéma, notamment dans ses cadres qui fixent les limites territoriales de la soumission. Si Regina Casé (Val), grande star du cinéma brésilien, est souvent dans le sur-jeu, c’est la fraîcheur libertine de Camila Mardila (Jessica) qui séduit et surtout la vérité de Karine Teles (Barbara) dans sa capacité, toute en nuances, à incarner ce statut de maîtresse, entre condescendance et mépris. Au cœur du sujet.
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