Marco & Paula : Carnets d’ailleurs #13. Paula et ses transports …
Paula péri-papote…
Corollaire d’une mission ponctuelle « en métropole » Paula redécouvre la migration quotidienne en transports en commun parisiens. Rapidement, couloirs, rames, escaliers lui ont livré leurs secrets dont la monotonie n’est pas le moindre… Grande nouveauté pour elle : les agents fluorescents qui fluidifient les mouvements de voyageurs…
Mais, le plus souvent, je lis un livre ou un journal, isolée à l’instar de tous ceux qui sont rivés à leur tablette. Je trouve cela perturbant mais plus rassurant que de les voir tous plongés dans un « gratuit » que je refuse d’appeler journal : il m’était arrivé d’être effarée de constater que les trois quarts de la rame lisaient les mêmes pubs ou articles d’information prédigérée. Ces transports sont fatigants, somme toute déprimants quand je dois m’excuser de marcher à gauche ou de monter un escalier que tout le monde descend. Mais ils sont fiables, propres, le plus souvent corrects et surtout, ils existent.
Le transport urbain est, au mieux, chaotique dans les pays que j’ai fréquentés. Autant que possible, je me déplace à pied mais certaines villes s’y prêtent mal. Au Plateau, centre névralgique d’Abidjan, trous, étals informels, bouches d’égout béantes me tenaient les yeux rivés au sol. Abuja, ville jeune d’une trentaine d’années conçue pour les voitures a vite découragé mes velléités pédestres par la monotonie de ses avenues sans joyeux bordel pour me distraire. A l’inverse, Lagos m’était vite éprouvante, trop vaste, trop pleine de tout. Mes plus grands plaisirs piétonniers furent sans conteste Tunis, Alger, Brazzaville et Tana (Antananarivo pour les intimes).
Quand on ne marche pas et qu’on est sans véhicule personnel, on peut prendre le bus. Selon les pays, ils seront plus ou moins grands, beaux, réguliers, fréquents et sûrs mais tous permettent de circuler pour un prix raisonnable. Ce prix est très souvent subventionné et sans relation avec le coût réel. Aussi, il arrive fréquemment que les stratèges, analystes, et experts en costume et voiture privée incitent les gouvernements à réajuster les prix pour « les faire coller aux réalités du marché ». Cela n’aboutit pas sans vives et démonstratives oppositions ou n’aboutit pas du tout (trop novateur, trop près d’une élection, trop insupportable économiquement sans augmentation des salaires, …).
A Tana, lors de mon premier séjour, je devais prendre le bus ; je logeais, les premières semaines de ma mission, dans une « maison des expats », loin de tout. Pour ce faire, il me fallait être à l’arrêt de bus vers 6h30 du matin pour espérer avoir un siège dans un neuf-places de 16 passagers. Pour les trajets de retour, j’ai vite abandonné le bus pour le taxi, après avoir poireauté un soir deux heures sous la pluie avant de pouvoir grimper. Par ailleurs, j’ai réalisé qu’il était plus décent, selon moi, de laisser ma place à des personnes qui ne pouvaient s’offrir le taxi. J’ai rapidement trouvé un appartement près de mon ONG et plus tard un engagement familial m’a permis, comme avantage collatéral, d’avoir un chauffeur. Cela fit bien rire mes collègues ; je travaillais alors pour une ONG qui payait son personnel au minimum syndical.
Au Nigeria et nulle part ailleurs, j’ai circulé en moto-taxi. Ils se faufilent bien dans les embouteillages mais gare aux brûlures des pots d’échappements, à l’absence de casque, à la désinvolture des conducteurs. Et par temps de pluie, franchement …. Un soir que je revenais d’une visite d’un projet en pays Yoruba, je dus abandonner le confort d’une voiture pour une moto au vu des embouteillages monstrueux. J’avançai enfin mais il pleuvait des trombes. Trente minutes plus tard, en arrivant au bureau de la coopération française pour laquelle je travaillais alors, j’étais à tordre et pas du tout présentable. Les gardiens ne me laissèrent pas m’engouffrer dans les locaux sans avoir montrer patte blanche… Je dois dire que j’ai la plus grande admiration pour tous mes collègues africains qui demeuraient souvent fort loin de nos lieux de travail et qui non seulement arrivaient à l’heure, mais en plus, bien apprêtés, les vêtements et la coiffure impeccables même les jours de grosses chaleurs ou de fortes pluies.
Je préfère les taxis. Chaque pays a ses règles d’usages mais il faut peu de temps pour savoir où et de quelle façon les héler, comment négocier ou pas le prix de la course (compteur branché, éteint ou inexistant) et le trajet. J’aime discuter avec les chauffeurs sur leur métier, la vie, les affiches aperçues, l’ambiance du jour. Certains m’ont raconté leurs choix, leurs espoirs, parfois des fadaises ou chanté des chansons. L’un m’a même récité un poème qu’il avait composé et déclamé à son épouse sans parvenir à l’émouvoir – pas de la poésie bouleversante mais pleine de bonne volonté. Certains ont été d’abominables conducteurs, nous ont perdus ou coincés dans les pires embouteillages du quartier. Une seule fut une femme, à Alger. L’un avait parkinson. Un autre la main baladeuse. A Tunis et Alger, deux taxi(eurs) sont devenus des amis.
Les taxis ont souvent une ou des couleurs spécifiques comme en Côte d’Ivoire où seuls les taxis de couleur verte peuvent sortir d’un quartier ou de la ville. A Mada, tous les taxis sont couleur « coquille d’œuf», aussi fragiles d’ailleurs. A Abuja, les taxis pirates sont légions mais ne sont pas faciles à repérer car il n’existe pas de couleur de référence. Souvent ces « pirates » sont simplement sur le trajet travail-domicile et cherchent à amortir leurs dépenses (un covoiturage informel). Toutefois, toujours à Abuja, des enfoirés avaient monté une arnaque crasse : un comparse se cachait dans le coffre et prenait à la gorge le passager pour lui piquer sac ou téléphone. C’était minable et cela a cessé quand on a pris l’habitude de demander à vérifier les coffres avant de monter.
J’ai également circulé en bateau-bus, en rickshaw, en cyclo-pousse mais j’ai refusé les pousse-pousses lors d’un voyage en Inde : insupportable pour mon confort moral.
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