En ce mois de novembre, pour rentrer à Tunis après une escapade au Congo pour l’un, en France, pour l’autre, nous avons pris la mer. Nous voici passagers du Danielle Casanova.
Nous voyons peu de passagers, peut-être qu’ils ne se montrent pas, en mal de terre – ou l’inverse. Le barman m’apprend que nous sommes environ 400. C’est peu pour ce paquebot d’une capacité de plus de 2000 passagers, mais bien plus que ce que j’avais (es)compté. Comme je l’interroge sur le devenir de la SNCM, il m’apprend, passablement écœuré, que les salariés ne sont pas informés des tractations. S’en suivent des «brèves de comptoir» qui n’ont rien de drôle. Au petit déjeuner, une altercation avec un client râlant sur le prix du croissant nous prouvera combien le personnel est à cran.
Tiens, deux passagers viennent de nous rejoindre dans la coursive et se font la prière, en chantant. Damned ! C’est mon copain le muezzin qui me poursuit… Les incantations, une sonnerie téléphonique, le match de rugby France-Fidji diffusé sur grand écran dans le bar voisin et quelques « blablatages » créent un fond sonore pour le moins distordant. Je sors saluer la lune et lui faire goûter une bière corse bien gouleyante.
A Tunis, la campagne présidentielle se joue sur les ondes et sur internet et m’échappe complètement. Mon niveau d’arabe est bien trop faible : je sais lire, écrire et à peu près énoncer: «Samir ouvrit la porte du restaurant de Rida près de la montagne» mais pas «hier, nous étions au bord du gouffre, aujourd’hui nous avons fait… ». L’échéance arrivant, j’ai commencé tout de même à voir dans les rues des portraits de candidats : le standard est une photo portrait, le nom du candidat en arabe et le numéro, très important le numéro, attribué par l’ISIE (l’Instance Supérieure pour les Élections) lors d’un tirage au sort. J’ai cherché à quoi ressemblera le bulletin de vote. Les 27 candidats seront sur un même bulletin avec chacun une case dans laquelle l’électeur apposera son empreinte. 27 candidats, 27 personnes persuadées d’être celle (une seule femme) ou celui qu’il faut à la Tunisie. C’est beau ! Dommage que seuls 27 aient passé le barrage sur les 70 prétendants initiaux: quel beau pataquès c’aurait été!
Comme je voudrais pouvoir suivre les conversations politiques de mes amis, comme je veux connaître les candidats qui ont réellement quelque chose à proposer, je pars en quête d’informations.
Il m’a fallu une heure pour dresser un tableau des candidats. J’ai tenté d’estimer leurs chances en fonction des résultats des législatives. Une gageure vu le nombre d’indépendants, 15 dont certains sont bien connus, comme le président actuellement en fonction, une juge, un journaliste, un ancien directeur de la banque centrale, mais d’autres sont de parfaits «google zéro» comme le pointe un journaliste. Encore plus perturbant, Ennahda, arrivé second aux législatives n’a pas de candidat déclaré; il avait tout misé sur les législatives, la nouvelle constitution ayant renforcé le pouvoir des députés au détriment du président. D’aucuns disent qu’Ennahda soutiendrait le président sortant et surtout pas le nº16, indépendant mais tête de liste des Islamistes à Sfax. C’est confus? je sais.
Bulletin de vote, trouvé sur le site de l’ISIE (Instance Supérieure indépendante des Elections)…
A 4 jours du suffrage, les élections vues de ma lucarne ressemblent à un loto, c’est bien de saison. On nous apprend que les numéros 2, 17, 22 et 10 se sont déclarés hors-jeu alors qu’un des numéros 7, 24, 8 ou 27 serait gagnant : un candidat aux soutiens pas très clairs, un autre à l’âge canonique, un ex-patron de club de foot, un opposant « depuis depuis » (expression ivoirienne).
A deux jours du scrutin, j’ai reçu un SMS de l’ISIE m’invitant à voter avec divers numéros et un site Internet pour trouver mon centre de vote. Bien vu, ce rappel aux électeurs vu que le taux de participation est une source d’inquiétude. Cependant, aujourd’hui, en passant devant l’école, centre de vote, Marco a vu beaucoup de monde entrer et sortir à différentes heures de la journée.
Nous sommes allés boire un café « arbi » (ailleurs on dirait « turc », mais nous sommes dans un pays qui se souvient avoir été colonisé par les Ottomans) place Bab Souika, près de chez nous. Il doit bien y avoir une dizaine de cafés autour de cette place, tous avec leurs chaises et tables sur le trottoir, parfois deux ou trois collées le long du mur, parfois une bonne dizaine obligeant les piétons à descendre sur la route. Attablés, toute une galerie d’hommes, jeunes, vieux, buvant thé ou café, fumant une roulée ou la chicha, jouant aux dames, à la belote, rêvant ou discutant. Pas une femme. Oh ! j’ai eu mon café. J’ai même fumé tranquillement ma cigarette. Pas de problème. Mais nous avons payé le prix touriste, alors que Marco, quand il vient seul, paye le prix local.
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