« Histoire de familles » de Justine Lévy & The Anonymous Project 📚 Ce que cachent les sourires de façade.
L’auteur de Rien de grave délaisse le registre autobiographique pour embrasser la vie de centaines d’anonymes. Souvent drôle, parfois mélancolique, toujours émouvant, un livre miroir qui dit quelque chose de notre propre histoire.
Autant l’écrire tout de suite, Justine Lévy quitte les rives de l’autofiction et c’est une réussite. Son projet est né d’une collaboration avec l’un des plus grands fonds de diapositive au monde –The Anonymous Project – qui réunit des milliers de clichés pris durant ces cinquante dernières années. La romancière en a sélectionné une centaine et a imaginé ce qui pouvait bien se cacher derrière les sourires de façades de ces photos des années 50. Que ce soit cette mère au foyer au milieu de ses deux enfants « j’ai 38 ans et je serre le ventre« . Ce couple, mains enlacées. Elle dans ce que l’on imagine être une robe neuve. Lui toujours éblouit « Ma femme quand elle est là, il ne peut rien m’arriver. Elle me regarde, elle est là et je sais que tout est en ordre. » Cette femme encore entourée de ses cinq bébés » Pour la fête des mères, je voudrais une journée de SILENCE« .Ou ces deux petites filles habillées à l’identique « D’abord je vais lui tordre le bras. Puis je vais lui griffer le visage, très vite, plusieurs fois, la racler, des lambeaux de sa peau sous mes ongles (…) sœurs jumelles mon cul« .
Histoire de familles raconte des destins ordinaires et à travers eux une époque. Ce temps pas si lointain où les femmes rêvaient de beaux mariages pour leurs filles, invoquaient la migraine pour échapper au devoir conjugal et même « mal mariées » n’envisageaient pas de divorcer. Ce temps où les hommes se devaient de bomber le torse et de cacher leur fêlure. Ce temps où il importait d’abord de faire bonne figure. Sous les sourires, la mélancolie. Voici ce qu’a su saisir Justine Lévy dans cet album de familles dont les légendes disent la nostalgie, les regrets, l’arbitraire de toute vie. « Si on peut appeler ça une vie (…) des trucs assemblés à l’envers avec des morceaux qui se barrent dans tous les sens.«
Oui, une vie qui, par-delà les années, ressemble étrangement à la nôtre et que Justine Lévy croque avec humour et empathie.
Éditions Flammarion – 192 pages
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