C’est une photo choc, bouleversante et troublante. Elle interroge sur le drame silencieux des migrants, mais aussi sur la ré-interprétation du réel par un artiste.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) recensait pour la période 2014 – 2018 plus de 17.000 migrants morts ou disparus en Méditerranée. Un chiffre effrayant, illustré par quelques images de photo-reporters – ou de migrants eux-mêmes – qui ont fait le tour du net.
Saan, le photographe d’origine gabonaise, revendique depuis qu’il a découvert la photo un statut d’artiste. Au travers de ses divers projets, il veut aussi, comme un citoyen du monde, témoigner.
Africain, il se saisit du drame de ces migrants qui ne survivent pas à des traversées à hauts risques et choisit de le mettre en scène, synthétisant en quelques clichés tout ce qu’il a pu voir, lire et ressentir sur la question. Il vit aujourd’hui en France et c’est sur une plage de Deauville qu’il organise la réalisation millimétrée de sa série O’ndzia (« Celui qui vient d’ailleurs« , dans son dialecte natal téké).
L’image est terrible, le spectateur ne sait pas forcément qu’il s’agit d’une reconstitution.
On peut questionner cet accaparement du réel, le mettre en cause. On doit surtout entendre l’artiste Saan s’en expliquer dans cette Photo Parlée, lui-même fut migrant (certes, dans d’autres conditions). Il n’est pas photo-reporter, c’est un artiste-rapporteur. Combien d’autres artistes avant lui se sont emparé du réel pour le faire comprendre autrement.
L’image est saisissante, elle est essentielle.
→ Sann est né au Gabon en 1986. Il étudie en France la linguistique et l’informatique, découvre la photo en devenant par hasard l’assistant d’un professionnel. Il débute avec des portraits (qu’il continue toujours aujourd’hui) mais prend vite conscience de la nécessité de construire des séries. Son premier sujet sera la communauté sri-lankaise de Paris fêtant Ganesh dans les rues.
La série O’ndzia a été exposée par la Fondation Dapper sur l’île de Gorée (Sénégal) au printemps 2019, dans le cadre du festival « Regards sur cours« . Saan a en projet un sujet sur le climat.
Le photographe est fortement inspiré par les règles, cadres et esthétiques du cinéma. Il ne travaille qu’en lumières naturelles et privilégie le noir et blanc: « C’est la luminosité, ce qu’il y a de plus vrai, c’est l’essentiel. Il montre ce qui est et rien d’autre. »
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