📚 « Les Innocents & les autres » de Dana Spiotta Pour l’amour du cinéma
Souvent comparée à Don DeLillo, la romancière américaine signe un vibrant hommage au cinéma qui se double d’une réflexion sur la création. Envoûtant.
C’est l’histoire de deux amies très différentes qui ont en commun la passion du cinéma. Une passion totale, absolue, ravageuse. Nous sommes à L.A. dans les années 80. Meadow la plus ombrageuse des deux à un fiancé en lequel on a tôt fait de reconnaître Orson Welles. Rêve ou réalité? On ne le saura que dans les toutes dernières pages de ce roman sur lequel plane l’ombre du maître. Pour l’heure Meadow et Carrie font des études cinématographiques mais poursuivent déjà des objectifs bien différents. Carrie, biberonnée aux sitcoms et au séries télé, souhaite décrypter ce qui existe déjà à seule fin de l’améliorer. Meadow de son côté entend « saisir l’essence du monde » et révolutionner le Septième Art à elle toute seule. Ensemble les deux amies vont visionner tous les films marquants de l’histoire du cinéma, de Jean Rouch à Agnès Varda en passant par Stanley Kubrick, mais leur destinée finira immanquablement par les éloigner.
Carrie filmera des comédies teintées de féminisme qui rencontreront un vif succès et sera nominée par deux fois aux Golden Globes. Meadow, fidèle à ses rêves de jeunesse, réalisera des documentaires dont l’exigence et la spécificité la condamneront à une certaine confidentialité. Ce qu’elle acceptera tout entière dédiée à sa quête. « Réaliser, regarder, penser le cinéma ». Si Dana Spiotta, autrefois assistante de production raconte de l’intérieur les trajectoires diamétralement opposées de ces deux femmes qui ont dédié leur vie à l’Image, elle en imagine bientôt une troisième. Quinquagénaire mal-voyante, Jelly se sert de sa voix pour séduire des hommes par téléphone. « J’adorais le téléphone », confesse cette femme complexée par son physique « Je pouvais être moi-même au téléphone, celle que j’étais vraiment, ou que j’aurais voulu autre ». Elle enjôle ainsi, presque malgré elle, les hommes les plus influents d’Hollywood, les plus grands producteurs. Le jour où Meadow entendra parler de cette femme mystérieuse, elle aura la certitude de tenir son plus grand sujet: un film sur l’ouïe.
Vibrant hommage au Septième Art Les innocents & les autres brille par son érudition sans jamais laisser le lecteur de côté. Nul besoin en effet d’être un cinéphile averti pour être happé par cette histoire d’amitié qui se double d’une réflexion sur ce qui signifie créer. « C’est en partie une escroquerie. Et en partie de la magie », affirme Meadow. A vous de juger.
Les innocents & les autres de Dana Spiotta – Actes Sud – 352 pages
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