Marco est à la dérive, mais ne lâche pas les amarres…
L’attente du destin …
Donc, ces jours-ci, je guette par la fenêtre de l’ordinateur quelque signe d’un destin qui viendrait enfin.
Parfois des piliers de stabilité apparaissent dans le paysage. Pendant tout l’automne, j’avais pu amarrer ma dérive au pilier de la venue de Paula en France pour une dizaine de jours en décembre. Après que Paula fut retournée dans son pays imaginaire africain, le Badguando, à la mi-décembre, je repris une dérive dont je voulais croire que je pourrais la baliser. Il était alors question de faire une mission en Algérie avant la mi-janvier, avec à la fin de ce mois, le démarrage – peut-être – d’une mission de plus de deux ans au Niger. Début janvier, avec la dérive, la mission en Algérie se déplaçait vers la fin du mois, ce qui risquait de la faire entrer en collision avec la mission au Niger, qui semblait toutefois, elle, vouloir dériver de son côté dans le mois de février. Puis, à la mi-janvier, la mission en Algérie a commencé à se perdre dans les brumes hivernales, tandis que, pour tromper l’attente d’une réponse pour le Niger, je jouais avec d’autres perspectives – Bruxelles peut-être. Ou le Mali? Fin janvier, la mission en Algérie prenait de plus en plus des allures de vaisseau fantôme, quand finalement j’appris que je n’avais finalement pas été sélectionné pour le Niger – cet amarre-là était coupée, et la dérive reprit de plus belle. J’ai maintenant lancé une amarre vers Abidjan, pour une mission de quelques mois – et une autre vers le Togo. Mais l’amarre avec l’Algérie traîne toujours dans l’eau… En revanche, il y a un gros pilier au mois de juin avec la remise de diplôme de ma fille aux États-Unis.
La bouée d’un diplôme filial…
Voilà une existence bien mouvementée, disent certains de mes proches. Que ne me suis-je installé dans la vie? Que n’ai-je choisi un métier stable, grimpé les échelons de la carrière, cotisé pour la retraite? Pourquoi ces incertitudes chroniques, ces longues séparations, ce nomadisme?
Je n’ai évidemment pas de réponse à ces ruminations existentielles, sauf peut-être le souvenir que j’ai, comme beaucoup de mes amis d’ailleurs, de ces sinistres dimanches après-midi dans nos villes de province, et la détermination que j’avais alors, inquiète mais farouche, de fuir l’ennui que je voyais suinter de ces quotidiens confortablement installés. Dans La Nausée (titre oh combien évocateur!), Jean-Paul Sartre en a fait une description qui m’a hanté depuis que je l’ai lue, il y a pourtant quelques décennies.
“Ils ont traîné leur vie dans l’engourdissement et le demi-sommeil, ils se sont mariés précipitamment, par impatience, et ils ont fait des enfants au hasard. Ils ont rencontré les autres hommes dans les cafés, aux mariages, aux enterrements. De temps en temps, pris dans un remous, ils se sont débattus sans comprendre ce qui leur arrivait. Tout ce qui s’est passé autour d’eux a commencé et s’est achevé hors de leur vue; de longues formes obscures, des événements qui venaient de loin les ont frôlés rapidement et, quand ils ont voulu regarder, tout était fini déjà. Et puis, vers les quarante ans, ils baptisent leurs petites obstinations et quelques proverbes du nom d’expérience.”
Chacun sa dérive.
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