Jordanie, Les sujets du royaume se fâchent: Journal d’une humanitaire #165
Paula était partie dans un pays qu’elle pensait tranquille. Erreur!
Jour J + 25
- Virer le gouvernement
- Supprimer la nouvelle loi sur l’imposition des revenus
- Supprimer la hausse mensuelle des carburants
- Revenir aux prix subventionnés de l’électricité et du gaz
- Idem pour les aliments de base
- Mettre les corrompus devant la justice
Signé Nous sommes le peuple
Malgré cela, toujours fâchés contre la nouvelle loi fiscale, les manifestants défilent aujourd’hui en journée et j’ai donné aux membres de l’équipe la consigne de travailler chez soi ou de poser un jour de congé. Les manifestations se déroulent pour la plupart dans le calme à l’exception de quelques villes du sud où la présence de l’armée est moins massive – le Roi s’est dit fier de ses sujets qui revendiquent pacifiquement – mais on ne sait jamais et je préfère être trop prudente (je suis responsable de la sécurité de toute l’équipe pendant les heures de travail pour les Jordaniens et tout le temps pour les expatriés).
Quelques jours plus tard, début juin, le nouveau gouvernement a cédé en annulant (ou plutôt en reportant) la nouvelle loi fiscale. Le calme est revenu.
J’ai appris hier que trois pays voisins (Arabie Saoudite, Koweït et Émirats arabes unis) ont débloqué 2,5 milliards pour aider le Roi à surmonter la crise économique. La stabilité de la Jordanie, zone tampon, est à ce prix. Elle compte 8,3 millions d’habitants et accueille 1,3 million de réfugiés syriens dont 650 000 enregistrés par le HCR.
J + 26
Ces entretiens sont, somme toute, déprimants car ils mettent en lumière le fait que notre distribution ponctuelle a une portée limitée. Bien sûr l’argent non dépensé dans la nourriture pendant ce mois de Ramadan – un mois où les repas sont de fait plus festifs – peut être utilisé à la satisfaction d’autres besoins quels qu’ils soient. Toutefois, chacun des interviewés (un couple et deux pères de famille) évoque son besoin de monnaie sonnante et trébuchante pour payer son loyer. Est-ce à cause de mon expérience des camps de réfugiés que cet environnement de pavillons ou de petits immeubles avec jardinet et arbres mais sans rampe aux escaliers me désarçonne? J’en ai oublié que les réfugiés, ici, doivent payer un loyer.
Un homme nous raconte qu’il doit quitter son appartement. Ne pas être capable d’offrir un toit à sa famille est une terrible humiliation pour lui. Il vient de repeindre les murs (obligatoire, ici, quand on quitte un logement). Peintre, c’est d’ailleurs son métier. A l’entrée où j’ai déposé mes chaussures, j’ai bien vu une paire gâchée par la peinture. Peut-être l’a-t-il apportée dans ses bagages comme un viatique, sésame pour un possible emploi dans ce pays d’accueil.
Vers 15h, il est temps de rentrer car nous avons deux heures de route pour retourner à Amman. J’ai faim et soif même si un bénéficiaire m’a gentiment servi un verre d’eau et un verre de jus de fruit ne voulant pas que, non musulmane, je subisse le jeûne par sa faute.
J + 29
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