« Platine » de Régine Détambel: Jean Harlow telle qu’en elle-même
L’auteure de « Trois ex » poursuit son exploration des destins féminins et consacre un roman bouleversant au tout premier sex-symbol du cinéma parlant.
« Il y a des seins pleins d’action
Il y a des seins pleins de passion
Il y a des seins pleins de scandale
Il y a des seins pleins de calamités boursières
Il y a des seins pleins de morphine
Il y a des seins pleins d’Oscars
Il y a des seins pleins de maris
Il y a des seins pleins de box-office
Il y a des seins pleins d’enquêtes policières
Il y a des seins fortiches en spéculations Immobilières
Il y a des seins qui représentent à eux seuls toute l’économie du cinéma
Il y a tant de seins à Hollywood
La partie du corps féminin la plus proche de
L’argent, c’est les seins. »
Ceux de Jean Harlow surpasseront tous les autres, ponctuant « chaque geste de l’actrice de leurs mouvements sensationnels, attendus comme des répliques sues par cœur. » La preuve: dans les années 30 c’est elle la star la mieux payée de la MGM. La plus photographiée. La plus populaire. Sans doute aussi la plus désespérée. A quoi auront donc servi « ces dons, météorites tombés du ciel tout dressés, globes d’alliages précieux, stupéfiants, à peine vivable pour un corps simplement humain, pour une jeune femme ordinaire, avec des envies toutes simples? »
Premier sex-symbol
Une vingtaine de films en vingt-six ans d’existence, la bombe platine qui a inspiré Marilyn mérite plus que quiconque l’appellation d’étoile filante. Des Anges de l’enfer de Howard Hughes film qui l’a lancée à Saratoga son dernier, Régine Détambel retrace le parcours fulgurant de cette femme dont la carrière éclatante masque mal le désastre de la vie privée. Le cinéma, elle n’en a pas rêvé, mais l’a embrassé corps et âme pour échapper à l’emprise d’une mère par trop possessive. Au moment de choisir un pseudo, Harlean Carpenter de son vrai nom optera pour Jean Harlow patronyme de celle qui a lui donné le jour et nourrit en secret des rêves de gloire.
Adulée par le public, méprisée par la critique Jean Harlow a payé au prix fort le fait d’être une image, un corps dans l’industrie hollywoodienne. Mariée trois fois, la star de la MGM vivra toute sa vie dans l’attente d’un enfant qui ne viendra pas. C’est à la femme plus qu’à la star que s’est intéressée la romancière. A Harlean plus qu’à Jean. A celle qui arpente les rues à la nuit tombée dans l’espoir de trouver l’homme qui fera d’elle une mère. A celle qui continue les tournages malgré la brûlure des projecteurs sur sa peau et le mal qui la ronge. A celle qui refuse l’aide des médecins, sa mère lui ayant expliqué qu’ils ne servent à rien. Un roman empathique et bouleversant pour dire le destin broyé d’une femme considérée comme le tout premier sex-symbol du cinéma.
Actes Sud – 192 pages
► les lectures d’Alexandra
► la critique littéraire desmotsdeminuit.fr
► desmotsdeminuit@francetv.fr
► la page facebook desmotsdeminuit.fr Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.
► @desmotsdeminuit
Articles Liés
- "Trois ex" de Régine Détambel: August Strinberg, génie, misogynie et vie privée
La parole est ici aux épouses du dramaturge suédois August Strinberg. Trois monologues de femmes…
- Jean-Claude P.: Clair-obscur
"J’allumai, approchai un fauteuil de la fenêtre, posai les pieds sur le radiateur et me…
- Jean-Loup Chiflet, éditeur et écrivain
"Tripalium" interroge le rapport des français au travail. Aujourd'hui, rencontre avec Jean-Loup Chiflet, éditeur mais…
-
« Hollywood, ville mirage » de Joseph Kessel: dans la jungle hollywoodienne
29/06/202052720Tandis que l’auteur du Lion fait une entrée très remarquée dans la ...