« Tharlo, le berger tibétain » de Pema Tseden: drame romantique et politique 🎬
Les films tibétains sont rares tout autant que les films magnifiques. Un film tibétain magnifique.
Le voilà convoqué au poste de police du village pour établir sa carte d’identité. A quoi ça sert pour un berger perdu au milieu d’un nulle part tibétain? Peu importe, Tharlo obéit, c’est ainsi qu’il a été éduqué. La preuve? il récite par cœur les discours de Mao dont on lui a bourré le crâne à l’école devant le commissaire qui s’en étonne mais surtout s’amuse d’un simplet (pense-t-il) qu’il méprise du haut de ses épaulettes galonnées. Le flic ne fait qu’obéir lui aussi, donc: carte d’identité!
Tharlo n’est pas un simplet mais un homme simple, juste démuni face aux règles et règlements. Sa vie, simple elle aussi, c’est sa montagne sans fins et son troupeau de moutons. Sa mémoire, en effet sans faille, fait qu’il connaît exactement le nombre de ses bêtes, mâles, femelles (pleines ou pas), leur couleur et habitudes, c’est sa famille. On lui en a confié la charge. Une centaine lui appartiennent, c’est son trésor. Pourvu que les loups ne les dévorent pas. Quand il n’est pas trop ivre, il pense à poser des pétards pour éloigner les voraces.
« Quel âge? » lui demande le commissaire. Étrange, il ne sait pas. Le fonctionnaire l’envoie en ville, dans la vallée, pour une photo, indispensable au document. Là-bas, il attend son tour dans un studio photo d’avant-hier, un couple de mariés se fait immortaliser devant des décors que l’assistant permute, Tien an Men puis New-York. La photographe agréée estime que Tharlo et ses cheveux qui se terminent par une petite natte méritent un shampooing avant le cliché et l’envoie chez la coiffeuse d’en face. C’est Yangsto qui tient le salon, jolie jeune femme, un rien allumeuse: en le shampouinant, elle lui propose de passer la soirée au karaoké. Après beaucoup d’alcool en chansons, ils passent la nuit enlacés sur le canapé de la belle qui a deviné quelle intéressante affaire sont ses moutons. « Vends-les, on partira loin! » Ainsi la belle araignée brode la soie de sa toile fatale, et quand il sera prêt, lui rasera la tête comme on rase un mouton pour lui voler sa laine.
Tharlo n’est pas un simplet mais un homme simple, juste démuni face aux règles et règlements. Sa vie, simple elle aussi, c’est sa montagne sans fins et son troupeau de moutons. Sa mémoire, en effet sans faille, fait qu’il connaît exactement le nombre de ses bêtes, mâles, femelles (pleines ou pas), leur couleur et habitudes, c’est sa famille. On lui en a confié la charge. Une centaine lui appartiennent, c’est son trésor. Pourvu que les loups ne les dévorent pas. Quand il n’est pas trop ivre, il pense à poser des pétards pour éloigner les voraces.
« Quel âge? » lui demande le commissaire. Étrange, il ne sait pas. Le fonctionnaire l’envoie en ville, dans la vallée, pour une photo, indispensable au document. Là-bas, il attend son tour dans un studio photo d’avant-hier, un couple de mariés se fait immortaliser devant des décors que l’assistant permute, Tien an Men puis New-York. La photographe agréée estime que Tharlo et ses cheveux qui se terminent par une petite natte méritent un shampooing avant le cliché et l’envoie chez la coiffeuse d’en face. C’est Yangsto qui tient le salon, jolie jeune femme, un rien allumeuse: en le shampouinant, elle lui propose de passer la soirée au karaoké. Après beaucoup d’alcool en chansons, ils passent la nuit enlacés sur le canapé de la belle qui a deviné quelle intéressante affaire sont ses moutons. « Vends-les, on partira loin! » Ainsi la belle araignée brode la soie de sa toile fatale, et quand il sera prêt, lui rasera la tête comme on rase un mouton pour lui voler sa laine.
Éthique et esthétique
Loin d’un naturalisme que certains pourraient redouter, la fable est magnifique, tant sur la forme que sur le fond. Son caractère est d’abord universel dans sa discrète célébration de la pureté des sentiments et de l’attachement à une vraie tradition qui fondent et entretiennent la dignité humaine. Mais Pema Tseden est tibétain, son film est aussi un cri du cœur dans la parabole qu’il propose sur son pays que les autorités chinoises ne considèrent que comme une région rebelle à « carte-identifier ». Un pays original qui n’est pas seulement exposé aux attentions répressives de Pékin mais aujourd’hui aussi à une folklorisation de sa culture caricaturée par les tours operators. On pense aux indiens d’Amérique, mis en réserves avant de perdre leur âme dans l’alcool, les casinos de Las Vegas et la tyrannie de l’American way of life. Alcool, karaoké et modernisme compulsif, c’est bien ce qui assaille dans la ville bruyante le berger des montagnes du silence. À en croire la Bible, le pasteur pécheur ira en enfer et comme Samson, Thalo perdra sa force quand sa chevelure sera rasée.
C’est cette normalisation –tibétaine, mondiale aussi– que met en questions le film de Pema Tseden. Sans sentences, sans brusquerie, tout au contraire, il laisse à chacun sa façon de l’apprécier: s’il est politique, c’est d’abord une invitation philosophique autant qu’un drame romantique. On ne dira pas assez combien il est beau dans sa neutralité du noir et blanc, par ses paysages somptueusement photographiés et le soin de ses décors. On ne compte pas les plans-séquences qui méritent l’anthologie, cinématographiquement c’est aussi un enchantement.
Nous sommes tous Tharlo, le berger tibétain.
C’est cette normalisation –tibétaine, mondiale aussi– que met en questions le film de Pema Tseden. Sans sentences, sans brusquerie, tout au contraire, il laisse à chacun sa façon de l’apprécier: s’il est politique, c’est d’abord une invitation philosophique autant qu’un drame romantique. On ne dira pas assez combien il est beau dans sa neutralité du noir et blanc, par ses paysages somptueusement photographiés et le soin de ses décors. On ne compte pas les plans-séquences qui méritent l’anthologie, cinématographiquement c’est aussi un enchantement.
Nous sommes tous Tharlo, le berger tibétain.
tous les Ciné, cinoche
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