« Amours », roman de Léonor de Récondo: deux femmes et un couffin
Huis clos trompeur « Amours » mène son lecteur de surprise en surprise et confirme le talent de Léonor de Récondo.
Ce quatrième roman débute à la manière d’un huis clos suranné que l’on pourrait être tenté d’abandonner…
L’identification n’aura qu’un temps. Celui nécessaire à la romancière pour mettre en place les différents leviers d’une histoire dont l’ampleur ne peut encore être soupçonnée. Jusqu’au jour où… Céleste tombe enceinte. Ressort romanesque prévisible qui a le mérite de faire basculer l’intrigue du côté d’une incroyable modernité. Contre toute attente, le couple légitime demande à la jeune femme de garder l’enfant. Céleste, mère porteuse avant l’heure, y consent. Tout comme elle consentira plus tard à l’adoption de son bébé par ce couple bien moins conventionnel qu’il n’y paraît. Si Léonor de Récondo se délecte à épingler les travers de la bourgeoisie bien pensante, elle excelle à pulvériser les non dits et faux semblants qui en font le socle. Rien de plus efficace que sa plume ironique et gracile pour mettre à mal les fondations de ce système ancestral.
Réjouissante fable sociale, Amours est aussi et surtout une réflexion sur le corps. Le corps haï par Victoire qui ne peut se regarder nue dans un miroir. Le corps doublement objet de Céleste. Le corps rigidifié par le corset auquel l’héroïne finira par renoncer amorçant le début d’une libération dont elle ignore où elle la conduira. Car ce que raconte le roman de Léonor de Récondo avec un lyrisme de plus en plus affirmé au fil des pages, c’est une superbe histoire d’amour entre deux femmes. C’est la découverte d’un plaisir que ni l’une ni l’autre n’aurait jamais imaginé. C’est le ravissement d’un enfant qui a pour lui deux mamans et voyage dans son couffin de la chambre de l’une à celle de l’autre. C’est l’histoire enfin d’un coming out à une époque où le terme n’existait pas : « Elle m’a donné un fils, elle lui a donné la force de vivre quand je n’arrivais même pas à le prendre dans mes bras. Elle m’a prise dans les siens alors que je ne savais même pas que j’étais en vie, que j’étais incapable de sentiments, d’émotions. Je ne savais rien d’elle. Elle m’a tout donné« . Violoniste baroque, Léonor de Récondo sait l’art du crescendo et mène son lecteur d’une plume très sûre vers un final bouleversant.
Amours – Léonor de Récondo -Sabine Wiespieser éditeur – 276 pages
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