Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #102: Dérive dans Bologne…
Rentrée à Paris pour une tristesse familiale, Paula fait une escapade bolonaise de quelques jours, pour ne pas oublier que, si les générations passent, la vie continue.
Aujourd’hui, l’exubérance contemporaine de Bologne trouve sa source dans son université, la plus vieille d’Europe. La ville bruisse d’étudiants entassés dans des sites aux trop faibles capacités d’absorption. Ma nièce fréquente un bâtiment médiéval couvert de tags et peintures murales, fresques modernes appelant à toutes les luttes, toutes les désobéissances civiles et parfois inciviques. Le soir venu, protégés des pluies hivernales par les nombreux portici (passages couverts), les futures têtes bien faites de Bologne et d’ailleurs s’encanaillent joyeusement et… bruyamment. Certains riverains sont quelques peu exaspérés, comme le signalent des banderoles rappelant que dormir est un droit… À deux rues d’une de l’un de ces endroits « animés », j’appréciais de ne pas avoir à ouvrir la fenêtre pour dormir; si non je me voyais bien faire chauffer la poix.
Chaque fois que je suis passée devant l’université, des étudiants fêtaient leur laurea ou licence. Un lauréat se coiffe d’une couronne de fleurs, placarde des photos décalées de son auguste personne, invite famille et amis et dès 10h du matin partage le prosecco et fait un joyeux ramdam. Parmi les groupes, je distingue une dame, un verre à la main, que je verrai mendier quelques heures plus tard, des vendeurs migrants et ambulants ventant l’article de fête et même deux quadras tout décatis se partageant tranquillement un rail de coke assis sous un porche. Chacun profite de la fête à sa façon.
Il est des lieux bien plus calmes, que ce soit la bibliothèque municipale devant laquelle chaque samedi matin les étudiants font la queue avant l’ouverture pour se précipiter sur les places trop rares, ou le sanctuaire de Santa Luca auquel on accède après avoir gravi les 666 arches du portici bien pentu qui y mènent. Au sommet de la colline, peu de bruits, chacun cherche son souffle.
Ces 666 arches – ne faut-il pas se mettre aussi le Diable dans la poche? sont l’un des sept secrets de la ville. J’en ai repéré quelques autres. Le plus surprenant est une fenêtre que l’on ouvre pour découvrir un canal qui nous fait nous croire à Venise. D’autres relèvent de la concupiscence. Un porche monumental dissimule une flèche dont le mortel dessein fut détourné, par inattention ou plutôt par un surcroît d’attention portée par le tireur à une beauté passant par-là. Sur la place de Bologne, un Neptune mate les passants et entre en érection si vous le regardez sous un certain angle; le sculpteur s’était vu refuser par l’Eglise de doter son Neptune d’un bel appendice et a joué, petit coquin, avec le pouce du dieu, troublant fortement les prudes au point que l’Église fit mettre un temps au Neptune des pantalons de bronze.
Mais il n’y a pas que l’histoire; Bologne est aussi une ville moderne avec, comme toutes les grandes villes européennes, les mêmes enseignes raccrocheuses, les mêmes publicités fallacieuses, les mêmes étals racoleurs et les mêmes mendiants impécunieux.
Mais je ne n’ai pas boudé mon plaisir. Je me suis promenée à Bologne aux 50 nuances d’ocre comme j’avais aimé arpenté Florence et Venise. L’Afrique est loin.
La page facebook des mots de minuit, une suite… Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.
Articles Liés
- À la dérive: Les carnets d'ailleurs de Marco & Paula #194
Marco est à la dérive, mais ne lâche pas les amarres... La vie de consultant…
- Marco & Paula : Carnets d'ailleurs #16: Paula dans l'entre-deux...
La vie nomade, ce n'est pas seulement le lointain et l'exotique, les bagages et les…
- Les Carnets d'ailleurs de Marco & Paula #118: La complainte de Paula en Abidjan
Certes, Abidjan n'est pas l'Alaska. Mais les offres d'emploi y sont tout autant source de…
-
« Hollywood, ville mirage » de Joseph Kessel: dans la jungle hollywoodienne
29/06/202051160Tandis que l’auteur du Lion fait une entrée très remarquée dans la ...