Faire du banal d’une jeune fille indécise un original charmant. Magnifiquement filmé en noir et blanc, « Tu dors Nicole » confirme un réalisateur et révèle une comédienne.
Elle a 22 ans mais sa bouille d’enfant n’est pas loin. Est-ce qu’elle dort Nicole? Non, mal, elle souffre d’insomnies chroniques mais ne s’en fatigue pas, elle semble ne se fatiguer de rien sauf peut-être de ce moment de sa vie qui lui échappe. De sa nouvelle indépendance, elle ne sait que faire, pas plus que de sa première carte bleue qu’elle vient de recevoir, elle ne sait que faire de cet âge adulte qui vient.
C’est l’été, la voilà seule dans la maison des parents partis en vacances, banlieue pavillonnaire chic et sans saveur, elle l’observe avec une curiosité nonchalante, la même qui l’interroge sur ses transformations de future jeune femme. Véronique, sa meilleure amie la rejoint souvent, ensemble elles ne font rien et si elles imaginent partir en voyage en Islande c’est juste pour « faire rien ailleurs« . Voilà que débarque son frère et son groupe de rock, ça fait du bruit mais ça ne dérange pas Nicole, sauf que le nouveau batteur est plutôt mignon…
Faire et réussir un film avec apparemment presque rien et donc qui ne se raconte pas plus avant, on applaudit, il est envoûtant. Un de plus sur le thème du passage à l’âge adulte, déjà mille fois traité? Oui mais non, Tu dors Nicole est un film sur l’entre-deux, les entre-deux. Donc entre deux âges, dans la canicule d’un entre deux saisons, entre la mélancolie indolente de Nicole et ses petites velléités. Entre gravité et humour – Ah! cette hilarante invention de Martin, un gamin de 10 ans « qui a mué prématurément » qui drague effrontément Nicole! –, entre deux styles, le réalisme qui parfois flirte avec le fantastique. Entre le beau noir et blanc de l’image, toutes les nuances des gris, ceux de l’âme.
C’est bien dans les nuances que Tu dors Nicole révèle sa richesse, dans une forme simplement maîtrisée dans ses cadres et sa mise en scène astucieuse. On découvre la force du jeu de Julianne Côté/Nicole (vue dans un petit rôle dans Sarah préfère la course, 2013), la discrétion de sa présence est entêtante, son charisme étonne car il n’est jamais spectaculaire.
Le tout emballé en québécois, ce parler français si joliment fleuri.
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