« Solovki, la bibliothèque disparue ». Un documentaire de Elisabeth Kapnist et Olivier Rolin. Festival journalisme et Littérature, Metz 2014.
Au milieu de la mer Blanche, dans un paysage sublime, à deux pas du Monastère de Kolovki, était situé un camp de déportés qui a accueilli entre 1923 et 1939,
800 000 prisonniers. Ils avaient constitué une bibliothèque de 30 000 volumes. Une littérature pour survivre!
C’est à la recherche de ce trésor disparu que se sont lancés Elisabeth Kapnist et Olivier Rolin, les auteurs de ce documentaire.
Le monastère-forteresse des Solovki n’est pas seulement un haut lieu de l’Eglise Russe orthodoxe, il est aussi le berceau de l’histoire des goulags en Russie. Il est situé sur la plus grande des îles de l’archipel des Solovietski en mer Blanche, sous le cercle polaire.
Le sublime et l’horreur
C’est dans ce lieu sacré d’une beauté boréale et rare que le premier goulag Russe est né. En 1920 le monastère a été fermé, pillé et interdit de culte. Trois ans plus tard le lieu est réinvesti. 800 000 déportés intègrent une prison laboratoire entre 1923 et 1939.
L’isolement géographique en faisait une prison naturelle, inaccessible, en particulier à toute évasion.
Contre révolutionnaires, politiques, ecclésiastiques et droit commun ont été emmenés de force par bateau dans ce camp de concentration à destination spéciale (SLON) dont l’horreur des conditions de vie a été racontée par quelques rares survivants. A l’entrée du Slon, un panneau attendait les relégués avec ce slogan : « D’une main de fer, amenons de force l’humanité vers le bonheur. »
Les premiers prisonniers de l’archipel, antibolcheviques, aristocrates, intellectuels, artistes jouissent de certains privilèges. Ils peuvent recevoir des colis, du courrier, des livres, s’abonner à des journaux, écrire dans celui du camp. Ils ont aussi accès à la riche bibliothèque qui compte plus de 30 000 volumes, à un théâtre aussi. Avec l’arrivée de Staline au pouvoir et la réforme du système pénitentiaire de 1929, les conditions se durcissent.
C’est un prisonnier des Solovki, Naftaky Frentel qui eut, en 1926, l’idée de donner au camp une fonction économique. Ce terrible projet qui le promut chef de camp puis « Héros du travail socialiste » rendit plus dure encore la vie des détenus devenus main d’œuvre esclave sur les gigantesques chantiers de l’URSS. Le système du goulag vient de naître, Alexandre Soljenitsyne écrit dans l’Archipel du goulag « Il commença ainsi son existence maligne et, bientôt, il aurait des métastases dans tout le corps du Pays. »
Les auteurs de ce documentaire, Elisabeth Kapnist et Olivier Rolin, se sont lancés à la recherche de la bibliothèque disparue. Avaient-ils été détruits ou déplacés, ces livres qui avaient tant aidé l’esprit de ces prisonniers à s’élever et à survivre.
Leur quête très personnelle les conduit de Saint Petersbourg aux camps de travail où beaucoup de prisonniers furent déplacés vers les grands chantiers de l’industrialisation de l’URSSS, comme celui du canal de la mer Blanche.
Guidés par les témoignages poignants de familles, de chercheurs, de gardiens des lieux de mémoires, et de la nouvelle génération des habitants des Solovki qui tentent d’y vivre aujourd’hui sans que le souvenir de l’horreur passée ne les en empêche. En 1990 à la chute de l’Empire soviétique, les orthodoxes sont revenus dans leur monastère. La même année, dans une Russie où les mémoriaux sont peu nombreux, une simple pierre en provenance des Solovki est dressée place Loubianka à Moscou, en souvenir des victimes du Goulag.
© ARTE France – EX NIHILO – France 2013
Nous avons rencontré Olivier Rolin au festival Journalisme & Littérature de Metz (avril 2014) où son film était projeté en avant-première.
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