Pour son premier long-métrage, la réalisatrice péruvienne Melina León réussit un film magnifique sur le sujet douloureux du trafic de bébés dans les années 80.
Pérou, fin des années 80, le pays est confronté à de graves difficultés économiques autant que par les assauts du Sentier lumineux qui multiplie les attentats et les enlèvements. Georgina, pas même 20 ans, elle attend un premier enfant de son mari, même âge. La misère chronique de la communauté indienne, il est l’employé exploité d’un grossiste en légumes, elle vend ses patates sur un marché pour quelques pièces.
Elle entend un message diffusé par la radio: une clinique offre ses soins gratis aux femmes enceintes. Elle s’y rend, prend date pour y accoucher. Mais elle ne verra jamais son bébé une fois né, il lui est immédiatement soustrait, volé. Police et justice sont peu réceptives à ses plaintes, elle décide de se rendre à la rédaction d’un grand journal, un jeune reporter s’émeut de sa détresse et décide d’enquêter. C’est pas gagné, le système corrompu va mettre en œuvre son arsenal d’intimidations.
Sombre mais éblouissant
Le sujet est douloureux, le film est magnifique, autant sur la forme que sur le fond. Melina León est la fille d’un journaliste qui, dans les années 80 avait enquêté sur le trafic de bébés. Si elle n’a pas vraiment connu cette époque, elle en connait les cicatrices qui ne sont pas effacées. Femme et cinéaste, elle en fait une œuvre bouleversante autant que plastiquement renversante. L’odieux trafic qu’elle raconte s’inscrit habilement dans un contexte plus général de crise, de résistance/terrorisme (c’est une question de point de vue) et, plus inattendu, la sourde opprobre qui visait alors au Pérou, plus encore qu’aujourd’hui, l’homosexualité.
Ainsi, la réalisatrice choisit un noir&blanc, sombre autant que lumineux, et enferme situations et personnages dans un format carré aux bords flous.
Un premier long-métrage virtuose, il éblouit les ténèbres.
• Canción sin nombre – Melina León (Pérou) – 1h37
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