Edmonde Charles-Roux 1920-2016: une éclairante et cash aristocrate des lettres
« Qui pourrait écrire votre vie ? »
Trois rangs de perles, tailleur gris, cheveux tirés en arrière, une institution faite femme répond: « Ce sont les biographes qui vous choisissent. Mais, peut-être… Jean Genet. Notre amitié était profonde, réciproque, inattendue. Peut-être que s’il nous entend, cette idée saugrenue le fait marrer ! Peut-être qu’il se tord! »
Réalisation : Pierre Desfons
Rédaction en chef : Rémy Roche
Production : Thérèse Lombard et Philippe Lefait
©desmotsdeminuit.fr/France2
Mots peu académiques ce soir-là sur le plateau Des mots de minuit. Edmonde Charles- Roux a l’humour décalé et caustique de ceux qu’un long et singulier parcours rend aristocrates: deux ans d’engagement dans une armée française en guerre, un « Goncourt » en 1966, une fascination distante pour Gabrielle Chanel, un « pote » nommé Aragon!
Evidemment, « c’est un cadeau d’avoir été élevée dans un milieu de diplomates, libéraux, ouverts. Le piège aurait été mortel si cette famille bourgeoise avait été antisémite, agressive, droitière à ne pas pouvoir respirer ».
Il reste « hors de question de descendre devant elle François Mitterrand ou de dire des méchancetés sur la vierge Marie! «
Derrière de grands verres rectangulaires, deux yeux agiles s’amusent de « la disparition progressive de sa passion de la politique ». Il n’empêche. Elle regarde un document d’archives que je lui propose sur l’ancien ministre de l’intérieur et de la décentralisation Gaston Defferre, son mari: « Très bien, vingt sur vingt! On aime ou on n’aime pas mais c’était des hommes politiques, de grands acteurs qui savaient placer leur voix ». Elle balaye d’un grand rire l’expression « conseillère occulte ». Aujourd’hui, précise-t’elle « L’écrivain –je ne dis pas l’écrivaine- a pris la place. Les lettres m’ont piégée. Je n’imaginais pas qu’elles avaient cet appétit. »
Je l’interroge sur la littérature à l’estomac et sur cette « République littéraire » hantée à l’automne par le prédateur « galligrasseuil ».
« La France est le dernier pays d’Europe dans lequel le livre fait partie de la vie. Les lycéens sont passionnés. Il y a le talent marqué par le nombre de premiers romans et cette « folie » d’écrire. Des écrivains, comme Philippe Claudel, confirment et incarnent la qualité. Est-ce qu’on aime ici avoir le livre comme compagnon? Je dis: oui! Se demander si l’on parlera encore français dans soixante ans en Europe est plus pathétique ».
Si la biographe d’Isabelle Eberhardt, qui délaissa les réalités du monde au creux des années 1900 pour les sables du Maghreb, devait emprunter un autre chemin, ce serait « Au Maroc, très au sud ! Et j’aurais appris l’arabe ! »
Face à elle, ce soir-là, le comédien et metteur en scène André Wilms : « Je suis impressionné. C’est l’histoire d’un siècle qui se déroule devant moi! »
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