Jordanie: journal de bord. Les carnets d’ailleurs de Marco & Paula #161
Ça y est! Paula est à Amman et commence à porter son chapeau de chef de mission.
Jour J
Cette longue journée commence à l’atterrissage au Caire. Il n’est pas encore 4 heures. Je suis dans un brouillard total et franchis le sas de sécurité mon sac à l’épaule. J’ai l’air tellement lunaire que les officiers me rappellent à l’ordre avec un gentil sourire. J’ai plus de deux heures de transit à passer dans cet aéroport immensément vide. Je finis par trouver un fauteuil confortable, un grand café et me plonge dans un livre.
Quelques heures plus tard – Je suis au service des visas de l’aéroport d’Amman car on peut se le procurer à l’arrivée – la Jordanie apprécie les touristes et leur facilite l’entrée. Inutile de sourire à l’agent, son regard est arrimé à une jeune femme derrière moi. Je vois sa bouche se pincer de frustration quand le guichet voisin se libère; il ne pourra pas la baratiner.
Tôt le matin – Un chauffeur m’attend. On me l’a décrit comme un homme grand, aux cheveux gris et aux yeux bleus; je le reconnais aisément. Il parle un bon anglais et prend visiblement plaisir à glisser des expressions françaises dans sa conversation. Le trajet est agréable mais je ne retiens pas grand-chose de la ville sauf sa couleur: sable.
L’appartement est quelconque mais fonctionnel et ma chambre est spacieuse et confortable. La collègue avec qui je le partage est en week-end à Jérusalem jusqu’à demain matin. Je savoure un café cigarette; me voici arrivée! Mais cette sérénité est balayée par une panique totale: je ne parviens pas à faire coulisser la porte-fenêtre pour rentrer. Bien sûr, mon téléphone est à l’intérieur. Je suis sensée être seule jusqu’à demain matin. Appeler des voisins, mais pour leur dire quoi? Je me force au calme et finis par réaliser que je suis passée par l’autre battant de la porte fenêtre, qui lui n’est pas bloqué. Il me faut vraiment aller dormir.
Plus tard – Je dois encore attendre avant d’aller me coucher, car finalement un autre collègue doit passer faire une lessive. La connexion Internet de l’appartement ne fonctionnant pas, il me propose de passer chez lui, pour que je récupère son téléphone qui est plus intelligent que le mien et devrait me permettre de me connecter.
Fin d’après-midi – Toute surprise, je suis réveillée de ma sieste par le son des cloches d’une église, alors que l’appel à la prière de l’après-midi ne m’a pas fait frémir.
Le soir – Un gamin se retourne effaré en m’entendant jurer. Je viens de chuter brutalement. À chercher ma route le nez en l’air, je n’ai pas vu le trou dans le pavement du trottoir. J’ai juré en français alors, je n’ai pas troublé ses chastes oreilles. Cela fait quinze minutes que je tourne en rond pour retrouver la route que j’ai prise à l’aller. Nous avons dîné avec mon collègue, et, pressée de rentrer dormir, je l’ai laissé jouer avec son narguilé. Je finis par demander un plan du quartier à la réception d’un hôtel: je suis à deux rues de l’appartement.
Jour J+1
Dans la matinée – Avec l’équipe, nous sommes au sud d’Amman. Il a fallu rouler deux heures pour atteindre une ville qui accueille un grand nombre de réfugiés syriens. Cette première journée de mission est consacrée à deux distributions de bons d’achats. Je suis ravie de cette opportunité de plonger directement dans un projet; je peux faire reconnaissance avec l’équipe terrain directement dans l’opérationnel et commencer à prendre mes marques. Plutôt que de prévoir une distribution de nourriture ou de fournitures, quand cela est possible, un grand nombre de programmes destinés aux déplacés ou réfugiés privilégient la distribution de bons d’achat, soit en papier soit sous la forme de e-vouchers (bons électroniques). Cette pratique permet de faire travailler les commerçants des villes ou sites d’accueil et de laisser un choix aux bénéficiaires, de leur permettre d’avoir un peu de contrôle sur leur existence. Les bien-pensants évoquent la dignité, je demeure plus circonspecte.
Le soir – Avec mes deux collègues expatriés, nous partons dîner en centre-ville. Le trajet à pied nous prend une bonne vingtaine de minutes. La nuit tombe mais ici, nous pouvons tranquillement circuler la nuit. Nous passons devant une église, croisons des chats, des jeunes gens amoureux, quelques touristes et une jolie ruelle en escalier qui sent bon le jasmin et la culture.
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