Anne Wiazemsky 1947-2017. Du cinéma et des mots pour baliser sa vie
Elle était belle à dire Anne W. ce jour-là sur le plateau. Elle pouvait évoquer la « part noire » de Wanda, son héroïne. Confier peu s’analyser sauf en cas de gros problème. Concéder avoir dû, mineure qu’elle était, demander à Mauriac son grand-père et tuteur l’autorisation d’épouser Godard pour « coucher ensemble tranquillement » dans son appartement avant d’y tourner « La chinoise ». Réel et fiction
« Des mots de minuit ». Émission du 1er février 2012.
Réalisation: Nicolas Druet.
©Desmotsdeminuit/France2
- Anne Wiazemsky venait de signer « Une année studieuse ». Elle pouvait « mettre Godard de côté » pour parler de son identification à la noirceur et à l’errance de Wanda, personnage du film éponyme de Barbara Loden, à l’époque de sa sortie en 1970. Elle évoquait bien sûr les chemins avec son réalisateur de mari. Parlant littérature, elle allait chercher Pascal Quignard et « les solidarités mystérieuses » pour qualifier les liens entre le sujet d’un livre et son auteur.
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Le bonheur, c’est d’être cerné de mille désirs, d’entendre autour de soi craquer les branches
François Mauriac.
Cette phrase d’un grand-père adoré lui servait de viatique. Il s’appelait Mauriac. De qui et de quoi tenir quand on est devient l’auteure d’une quinzaine de livres, une fois que l’on fréquente moins les plateaux de cinéma. Notamment ceux de la Nouvelle vague, alors que Bresson vous a révélée dans « Au hasard Balthazar ». Origine russe. Elle est rousse. Elle a 19 ans. Godard en a dix-sept de plus. Ils tournent « la chinoise », l’année de leur épousaille en 1967. Et six autres films. Couple emblématique et relation tumultueuse: 1972 est l’année de leur divorce et de la sortie de leur dernier film « Tout va bien » dans lequel elle incarne une ouvrière en grève.
Le film d’Hazanavicius « Redoutable » (2017) qui retrace librement la vie de l’homme de l’art cinématographique puise largement dans « Une année studieuse » et « Un an après », deux textes d’Anne, épouse Godard.Anne Wiazemsky et Jean-Luc Godard au restaurant « le Lido », à Venise, en 1967. ©Leemage
Au cinéma, ce peut être plus sulfureux avec Pasolini (« Théorème », « Porcherie ») ou Ferreri (« La semence de l’homme »); plus divers avec Alain Tanner, Michel Cournot, Michel Deville, André Téchiné ou Philippe Garrel (« L’enfant secret » 1982).
Le temps vient alors de l’écriture, nouvelles et romans, largement inspirés de sa vie: scolarité stricte à Sainte-Marie de Passy; moments délurés des années 60 (« Une année studieuse »), solidarité rouquine avec Cohn-Bendit, amitié indéfectible avec un prêtre et immense amour pour le grand-père, expériences au théâtre. Et toujours, cette qualité de plume et de sourire mutins.Qu’est-ce qu’une vocation? Je ne me suis jamais posé cette question. Enfant, écrire était un plaisir. Après les années sont passées sans éteindre ce désir. Il était là, tapi, comme attendant son heure pour monter à la surface. A vrai dire, je me fiche de cette histoire de vocation mais (…) l’écriture est au cœur de notre amitié, de notre affection. L’idée que je continuerai à écrire pour nourrir ce lien avec le père Déau me plaît.
Anne Wiazemski, « Un saint homme »
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