Les morts que l’on a aimés sont-ils toujours avec nous? Kiyoshi Kurosawa poursuit son interrogation cinématographique sur l’au delà. Dans un film troublant et… génial.
Vers l’autre rive – Kiyoshi KUROSAWA (Japon) – 2h07
Avec Mizuki, on découvre, comme si c’était naturel, qu’au fil de ses rencontres, il a changé d’état et de fonctions, lui le dentiste a été informaticien, cuisinier ou professeur d’astrophysique au contact de belles personnes qui, peut-être, étaient comme lui des « morts« , des fantômes.
Corps et âmes
De film en film, Kiyoshi Kurosawa interroge le rapport entre les vivants et les morts, où est et quelle est la frontière? Il empruntait jusque là le registre du film de genre, effroi, épouvante, horreur. Cette fois-ci, c’est tout le contraire, on pourrait presque dire que Vers l’autre rive est un film naturaliste, presque car le fantastique l’imprègne sans cesse, en creux, dans ses abîmes. Et le mélo hollywoodien n’est pas loin, les pistes sont brouillées dans d’invisibles allers-retours vers l’imaginaire et un réel.
Ainsi la mort ne tuerait que les corps, pas les âmes, c’est ce que laisse entendre le réalisateur japonais, il n’impose pas, il laisse toute liberté au spectateur de se perdre (avec délice) dans les limbes de ce qu’il raconte. Rien n’est sûr, rien n’est prouvé. Quand, plusieurs fois, il montre Mizuki se dressant seule dans son lit dans un réveil brutal, il suggère aussi que son film n’est peut-être qu’un rêve, ou un cauchemar, la seule façon pour cette jeune veuve inconsolée, de prolonger son amour, ou d’en faire le deuil, encore une alternative, un aller-retour.
Mais le rêve peut-il imaginer avec autant de réalisme cette mise au point que Mizuki, se découvrant femme trompée, inflige à sa rivale dans une séquence formidable de mise en scène, de cadres, de regards, véritablement d’anthologie. Il y en a d’autres, celle-ci, bouleversante, quand le fantôme d’une fillette morte revient jouer à la perfection au piano une partition que, vivante, elle massacrait au point que sa mère l’avait giflée à mort. Ou encore ce garçonnet qui emmène Mizuki à une cascade, lui montrant derrière l’arc furieux un trou noir, celui dit-il, d’une grotte qui conduit à « l’autre monde« . Le propre père de la femme seule, décédé il y a longtemps, en surgira pour lui dire tout son amour.
A sa façon, Kurosawa est un génie, cinématographique, c’est bien réel, Vers l’autre rive est une pure beauté. Lui-même Aladin du soleil levant qui, de sa lanterne magique, fait surgir des impossibles soudainement possibles.
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