Le portugais João Nicolau use finement des ressources du cinéma pour une comédie bizarre, fantastique, faussement naïve.
John From – João NICOLAU (Portugal) – 1h35
Charmante mais intrigante personnalité, cette Rita. Ombrageuse, un peu, encore rebelle-ado, plus trop, nature (cash), surtout. Jolie, aussi. Sa meilleure copine s’appelle Sara, la rousse, elles sont voisines dans ce quartier excentré de Lisbonne, 15 ans toutes les deux. A elles seules, elles forment une tribu, avec ses rites et usages, par exemple s’appeler mutuellement d’un nom de mec, Paulo Rodrigo, et en plus des trop banals sms elles se sont inventé de drôles de moyens de communication bien à elles.
C’est l’été, les vacances. Rita, qui commence sa journée, cool, par un bain de soleil sur sa terrasse, vient de signifier à son boy-friend qu’elle n’a « plus envie« . Soft, comme elle est, mais on ne peut plus définitif. Et justement, de sa terrasse, elle voit qu’un étage en dessous, un nouveau voisin s’installe, un quadra, seul avec sa petite fille. C’est un flash. Pourquoi? c’est comme ça. Un désir amoureux? peut-être, une envie de s’ouvir au monde: plus sûrement. Pas de psychologie de comptoir (façon trop de scénarios français), donc n’allez pas chercher du côté d’une absence de père, le papa de Rita est un vrai et bon papa, les relations n’ont rien de difficile. Et tant mieux pour la suite de cette comédie rusée.
Hasard, le centre culturel où se rend régulièrement Rita pour étudier l’harmonium (!) installe une expo-photo sur la Mélanésie. Le photographe s’appelle Filipe, c’est lui! c’est son nouveau voisin. Dès lors, comme un transfert rigolo, la Mélanésie devient le centre d’intérêt obsessionnel de Rita. Elle étudie tout sur la région, jusqu’à s’essayer aux maquillages des masques de là-bas. Une passion s’installe, le génie du film sera de ne pas y céder benoîtement. Car s’il était jusque-là dans une forme de réalisme clinique, il bascule progressivement dans une fantaisie surréaliste, l’imaginaire de Rita prend la main, voilà tout le quartier transformé: oiseaux exotiques, végétation luxuriante et costumes traditionnels. Alors qu’un nuage inhabituel envahit le secteur, un paranormal confère désormais des pouvoirs magiques à Rita toute à sa passion pour Filipe. « N’est-ce pas merveilleux? » s’exclame-t-elle, alors qu’on n’est pas au bout de son rêve.
Trop fort!
João Nicolau est un réalisateur malicieux autant que percutant. S’il fait semblant d’installer son film dans le genre du teen-movie, ailleurs rebattu dans des recettes souvent réchauffées, c’est pour mieux s’en moquer, en tout cas s’en affranchir. Comme il s’écarte délibérément d’un barbant psycho-drama d’une jeune fille attirée par un homme mûr. Son sujet, c’est la merveille de l’adolescence, de la beauté, de la passion. Quitte à en parler, il en adopte le registre, mixant habilement fantastique et réalisme, en usant de tout ce que permet le cinéma. D’abord justement descriptif, plans fixes, économie de mise en scène, mais déjà de beaux cadres et une élégante direction artistique. A la bascule vers la féerie enchanteresse de son héroïne, il se lâche, ne dissimule plus ses effets, jette sa poudre à nos yeux qui, sans ciller, en redemandent.
Le conte est d’autant plus séduisant que Julia Palha qui incarne cette Rita est juste épatante: juste toujours, épatante d’un bout à l’autre. En un mot, merveilleuse, comme le film.
Ce film qui assume son côté pudique et ludique cherche à sonder le mécanisme et les métamorphoses de la passion juvénile. En respectant ses codes particuliers, en les accompagnant, l’approche dans laquelle je me suis lancé a voulu rester distincte de celles qui voient l’attraction entre une adolescente et un homme plus âgé comme une dysfonction psychologique ou un symptôme de maladie sociale. Il ne reste ainsi au film et à son héroïne que la voie de la constante transfiguration qui nous rapproche de ce qui dans la passion est le plus authentique: la beauté.
João Nicolau
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