Pierre Péan (1938-2019) : le temps de l’enquête contre l’immédiateté contemporaine.
« Naïvement je dirais que j’avais envie de faire le bien » avance ici Pierre Péan qui parle de son éveil à la citoyenneté. L’insurrection de Budapest en 1956 avait marqué le jeune adulte. La guerre d’Algérie a ancré sa volonté de questionner le sort fait aux damnés de la terre.
Des mots de minuit : émission du 15 décembre 2010.
Pierre Péan y est reçu avec le chanteur nigérian Femi Kuti, la cheffe d’orchestre Zahia Ziouani établie à Stains, les historiens Benjamin Stora et François Malye qui évoquent dans leur livre François Mitterrand et la guerre d’Algérie le rôle du président de la République et ancien garde des sceaux de la IVème République dans l’application de la peine de mort pendant cette guerre. Pierre Péan a révélé que l’ancien président avait été décoré de la francisque par le maréchal Pétain. Plus généralement est abordée la question de la peur dans la vie des invités en raison de leurs engagements politiques.
Pierre Péan, à l’époque, vient de publier Carnages, Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, qui est un nouvel essai de contextualisation du génocide rwandais de 1994.
L’enquêteur qu’il est assume sa subjectivité dans la rédaction de ses livres. Il évoque également son attachement à l’Afrique, la guerre d’Algérie et Patrice Lumumba, homme d’état congolais assassiné en 1961.
Il revient évidemment sur les polémiques qui ont suivi la parution de ses deux enquêtes sur le génocide rwandais dans lesquelles il préfère parler de « guerre civile » et de « massacres de masse » dans chaque camp plutôt que de génocide tout en relativisant les responsabilités françaises.
Pierre Péan refusait qu’on le qualifie de journaliste d’investigation, préférant à la dénonciation l’idée de complexité des personnages ou des situations. Il disait choisir ses sujets librement en dehors de l’actualité journalistique ou judiciaire. On retiendra son travail sur les diamants de Bokassa (1979), sur les Affaires africaines (1983) ou sur Le passé trouble de François Mitterrand durant l’Occupation : Une jeunesse française : François Mitterrand 1934-1947 (1994). Suivront notamment TF1, un pouvoir (1997) ou La face cachée du Monde (2003).
Ce qui m’anime, c’est la curiosité, l’envie d’aller voir ce qui se passe derrière le mur, de plonger dans les coulisses. Essayer de comprendre. (…) J’aime traquer les vérités qu’on me cache, mais je n’ai pas envie de tuer, j’ai envie de comprendre. Je ne cherche pas à traîner les gens sur les bancs de la justice, à les faire condamner. Je ne me vois pas comme le bras armé de la justice. Ce n’est pas ma vocation.
Pierre Péan. Le Figaro, 2014
Des mots de minuit :
Réalisation : Anthony Mutti
Rédaction en chef : Rémy Roche
Production : Thérèse Lombard et Philippe Lefait
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